ge. Nos indignations et nos enthousiasmes la serviront sans doute;
mais une simple decouverte comme la vaccine en dit plus contre le
discernement de la Providence, ou la _justice divine_, qui envoyait
a son gre la mort ou la guerison, que toutes les polemiques, quelque
triomphantes qu'elles nous paraissent.
Mais c'est assez _distinguer_. Unissons-nous dans l'amour du vrai et le
culte de la libre pensee. C'est le premier point de ma religion, et vous
devez croire, que votre _incredulite_ ne me scandalise point. A vous de
coeur. Amities et tendresses de nous tous a la grande Pauline et a vous
et a tous les enfants. J'espere que tout va bien, vous en tete, et que
vous ne me laisserez pas longtemps sans avoir de vos nouvelles.
G. SAND.
DCLXXII
A GUSTAVE FLAUBERT, A CROISSET
Nohant, 21 juin 1868.
Me voila encore a t'_embeter_ avec l'adresse de M. Du Camp, que tu ne
m'as jamais donnee. Je viens de lire son livre des _Forces perdues_; je
lui avais promis de lui en dire mon avis et je lui tiens parole. Ecris
l'adresse, puis donne au facteur, et merci.
Te voila seul aux prises avec le soleil, dans ta villa charmante!
Que ne suis-je la... riviere qui te berce de _son doux murmure_ et qui
t'apporte la fraicheur dans ton antre! Je causerais discretement avec
toi entre deux pages de ton roman, et je ferais taire ce fantastique
grincement de chaine[1] que tu detestes et dont l'etrangete ne me
deplaisait pourtant pas. J'aime tout ce qui caracterise un milieu, le
roulement des voitures et le bruit des ouvriers a Paris, les cris de
mille oiseaux a la campagne, le mouvement des embarcations sur les
fleuves. J'aime aussi le silence absolu, profond, et, en resume,
j'aime tout ce qui est autour de moi, n'importe ou je suis; c'est de
l'_idiotisme auditif_, variete nouvelle. Il est vrai que je choisis mon
milieu et ne vais pas au Senat.
Tout va bien chez nous, mon troubadour. Les enfants sont beaux, on les
adore; il fait chaud, j'adore ca. C'est toujours la meme rengaine
que j'ai a le dire, et je t'aime comme le meilleur des amis et des
camarades. Tu vois, ca n'est pas nouveau. Je garde bonne et forte
impression de ce que tu m'as lu; ca m'a semble si beau, qu'il n'est pas
possible que ce ne soit pas bon. Moi, je ne fiche rien; la _flanerie_ me
domine. Ca passera; ce qui ne passera pas, c'est mon amitie pour toi.
Tendresses des miens, toujours.
[1] La chaine du bateau remorqueur d
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