uant a Maurice, il me parait _vivant_ au
possible, et c'est le plus grand eloge qu'on puisse faire d'un garcon
en ce temps-ci, ou, a peine sortis de l'enfance, ils sont comme
indifferents, blases et sceptiques. J'espere que son pere le conservera
jeune. Nous ferons en sorte qu'il ne s'ennuie pas ici. Tachez qu'il, y
soit dimanche. Il verra tous mes autres garcons, qui sont presque tous
tres gentils et qui le mettront bien vite a l'aise.
Sur cette esperance, je vous embrasse, chere amie, et vous demande de me
dire s'il y a quelque soin particulier a lui donner. Qu'il ne vienne pas
la nuit, il fait trop froid et on s'enrhume affreusement. Qu'on me dise
aussi combien de jours je peux le garder.
Dieu veuille qu'il m'apporte de meilleures nouvelles de vous!
G. SAND.
Dites bien a Maurice que le vieux Maurice, mon fils, l'aimera, et que ma
belle-fille, qui est une adorable personne, m'aidera a le gater.
[1] Maurice-Paul Albert.
DCLXIX
A M. HENRY HARRISSE, A PARIS
Nohant, 9 avril 18GS.
Cher ami,
J'ai ete encore un peu malade en arrivant ici, fatiguee surtout, bien
que le voyage ne soit rien, et que je dorme en chemin de fer mieux que
dans un lit. Mais je suis affaiblie cette annee, et il faut que je
patiente, ou que je m'habitue a n'avoir plus d'energie vitale. Je ne
souffre pas, c'est toujours ca. J'ai retrouve ma charmante belle-fille
toujours charmante, et ma petite-fille sachant donner de gros baisers,
et marchant presque seule. Chere enfant! je n'ose pas l'adorer. Il m'a
ete si cruel de perdre les autres! Elle est forte et bien portante; mais
je ne peux plus croire a aucun bonheur, bien que je paraisse toujours
avec mes enfants l'esperance en personne.
Nohant est tout en feuilles et en fleurs, bien plus que Paris et
Palaiseau. Il n'y fait pas froid; mais nous avons des bourrasques comme
en pleine mer. Maurice a fini toutes les corrections que vous lui aviez
indiquees. Il me charge de vous renouveler tous ses remerciements et de
vous exprimer sa cordiale gratitude. Moi, j'ai a vous remercier toujours
pour vos bonnes lettres et les details si interessants sur tous nos amis
_de lettres_. Vous vivez avec delices dans cette atmosphere capiteuse.
C'est de votre age. Moi, je m'y plais completement quand j'y suis; mais
je ne sais si je pourrais y vivre toujours sans deperir. Je suis paysan
au physique et au moral. Elevee aux champs, je n'ai pas pu changer, et,
quand j'
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