condamnee par
les medecins. C'etait une grossesse dont la solution leur paraissait
impossible. La nature a fait un miracle: la mere et l'enfant se portent
bien. Mais j'ai du consacrer a ces jours de crise et d'effroi la
quinzaine scientifiquement que la planete s'est faite toute seule que
je me reservais, et puis un demenagement a faire a la vapeur, et, apres
tout cela, un peu de fatigue, et le besoin d'aller revoir ma marmaille
cherie. A present, voila un gros travail a faire, trois mois sans
desemparer. Ce ne sera donc qu'au mois de septembre que je puis esperer
un peu de liberte. Allez donc aux eaux, si vous n'y etes deja... Moi,
j'ai peste un peu d'etre a Paris durant ce radieux mois de mai. Mais
j'etais inquiete, et je tenais a assister une jeune femme qui, en
d'autres temps, m'a donne des soins devoues. C'est la femme de mon petit
ami Lambert, que vous connaissez, le peintre d'animaux. Il a beaucoup de
talent a present, et une compagne incomparable, et meme un petit enfant
venu par miracle, et tres joli.
Mais rien n'est si joli que ma petite Aurore, elle est aimable et
intelligente comme etait votre Claudie a son age. L'autre fillette
grossit comme un petit champignon, et Bouli (qu'on appelle toujours
Bouli), est heureux en menage comme pas un. Il est toujours passionne
pour l'histoire naturelle. Nous avons chez nous _Micro_, un ami
dont Pauline se souvient peut-etre, le frere maigre, doux, herisse,
fantastique de notre vieille Elisa Tourangin. Il est absolument le meme
qu'autrefois, et, comme autrefois, il passe ses journees a analyser
l'aile d'un papillon ou la capsule d'une plante. La _toquade_ botanique
a bien aussi passe pas mal en moi, et, a propos d'histoire naturelle,
j'ai bien lu et commente tout ce qui s'ecrit pour prouver et se defera
de meme. Soit; mais je reste dans un melange de spiritualisme et de
pantheisme qui se combine en moi sans trouble. Chacun vit du vin qu'il
s'est verse, et en boit ce que son cerveau en peut porter. Je ne vois
pas la necessite de forcer son entendement, et de detruire en soi
certaines facultes precieuses pour faire piece aux devots. Les devots
n'existent plus. Il n'y a aujourd'hui que des imbeciles ou des tartufes.
Je ne leur fais pas l'honneur de me modifier pour les combattre. Je
trouve que c'est pour la science une assez bonne campagne a faire que
d'aller son train en tant que science, puisque chacun de ses pas enfonce
l'Eglise un peu plus avant sous la terre. Il n'est
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