rte bien et je travaille vite et beaucoup, pour vivre de _mes
rentes_ cet hiver dans le Midi. Mais quels seront les delices de Cannes
et ou sera le coeur pour s'y plonger? J'ai l'esprit dans le pot au noir
en songeant qu'a cette heure on se bat pour le pape. Ah! _Isodore!_
J'ai vainement tente d'aller revoir _ma Normandie_ ce mois-ci,
c'est-a-dire mon gros cher ami de coeur. Mes enfants m'ont menacee de
mort si je les quittais si vite. A present, il nous arrive du monde. Il
n'y a que toi qui ne parles pas d'arriver. Ce serait si bon pourtant! Je
t'embrasse.
G. SAND.
DCLVII
AU MEME
Nohant, 5 decembre 1867.
Ton vieux troubadour est infect, j'en conviens. Il a travaille comme un
boeuf, pour avoir de quoi s'en aller, cet hiver, au golfe Jouan, et, au
moment de partir, il voudrait rester. Il a de l'ennui de quitter ses
enfants et la petite Aurore; mais il souffre du froid, il a peur de
l'anemie et il croit faire son devoir en allant chercher une terre que
la neige ne rende pas impraticable, et un ciel sous lequel on puisse
respirer sans avoir des aiguilles dans le poumon.
Voila.
Il a pense a toi, probablement plus que toi a lui; car il a le travail
bete et facile, et sa pensee trotte ailleurs, bien loin de lui et de sa
tache, quand sa main est lasse d'ecrire. Toi, tu travailles pour de vrai
et tu t'absorbes, et tu n'as pas du entendre mon esprit, qui a fait plus
d'une fois _toc toc_ a la porte de ton cabinet pour te dire: _C'est
moi_. Ou tu as dit: "C'est un esprit frappeur; qu'il aille au diable!"
Est-ce que tu ne vas pas venir a Paris? J'y passe du 15 au 20. J'y reste
quelques jours seulement, et je me sauve a Cannes. Est-ce que tu y
seras? Dieu le veuille! En somme, je me porte assez bien; j'enrage
contre toi, qui ne veux pas venir a Nohant; je ne te le dis pas, parce
que je ne sais pas faire de reproches. J'ai fait un tas de pattes de
mouches sur du papier; mes enfants sont toujours excellents et gentils
pour moi dans toute l'acception du mot; Aurore est un amour.
Nous avons _rage_ politique; nous tachons de n'y plus penser et d'avoir
patience. Nous parlons de toi souvent, et nous t'aimons. Ton vieux
troubadour surtout, qui t'embrasse de tout son coeur, et se rappelle au
souvenir de ta bonne mere.
G. SAND.
DCLVIII
A M. CALAMATTA, A MILAN
Nohant, 24 decembre 1867.
Cher ami,
Je suis heureuse d'avoir enfin de te
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