ile, en lisant toute la preface et tout le roman de _Cadio_,
de voir que le but de l'ouvrage est diametralement contraire a cette
intention: que l'auteur s'est, pour ainsi dire, absente de son travail,
afin de laisser parler l'histoire; et l'histoire prouve de reste que les
plus saintes causes sont souvent perdues quand le delire de la vengeance
s'empare des hommes.
Si jamais l'horreur de la cruaute, de quelque part qu'elle vienne, a
endolori et trouble une ame, je puis dire que le roman de _Cadio_ est
sorti navre de cette ame navree, et que, pour conserver sa foi, l'auteur
a du lutter contre le terrrible spectre du passe. Il est impossible
d'etudier certaines epoques et de revoir les lieux ou certaines scenes
atroces se sont produites sans etre tente de proscrire tout esprit de
lutte et sans aspirer a la paix a tout prix.
Mais la paix a tout prix est un leurre, et celle qu'on achete par
des lachetes n'est qu'un ecrasement feroce qui ne donne pas meme le
miserable benefice de la mort lente. Ce n'est donc pas par le sacrifice
de la dignite humaine que l'on pourra jamais conquerir le repos; c'est
par la discussion libre, et par elle seule, que l'on pourra preparer les
hommes a traverser les luttes sociales sans eprouver l'horrible besoin
de s'egorger les uns les autres. _Laissez donc la discussion s'etablir
serieuse, pour qu'elle devienne impartiale_. Tout refoulement de la
pensee, tout effort pour supprimer la verite souleveront des orages, et
les orages emportent tot ou tard ceux qui les provoquent.
Dira-t-on qu'il ne faut pas chercher dans un passe trop recent les
enseignements de l'histoire? Ou donc les trouvera-t-on mieux appropries
au besoin que nous avons d'en profiter? Sont-ce les Grecs et les Romains
qui nous reveleront les dangers et les esperances de notre avenir? Leur
milieu historique, le sens philosophique de leur destinee ne nous sont
plus applicables; et, d'ailleurs, c'est toujours dans l'experience de
sa propre vie que l'homme trouve la force de se vaincre ou de se
developper. Pourquoi donc un gouvernement sorti de nos luttes les plus
recentes, la revolution de 89 et celle de 48, prendrait-il fait et cause
pour ou contre les acteurs d'un drame en deux parties qui, toutes deux,
lui ont profite?
Et puis, en somme, prenez garde a des poursuites contre l'histoire; car,
en voulant empecher qu'elle ne se fasse, vous la feriez vous-meme avec
une publicite, un eclat et un retentissement que nous n'avons pa
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