crit deux fois, et vous m'apprenez, de Venise, que vous
n'avez rien recu! L'Italie est donc toujours le pays ou rien ne marche,
pas meme la poste, et ou les lettres subissent un embargo mysterieux? Je
savais bien que vous y auriez des deceptions terribles. L'etranger et
le pape ne pesent pas durant des siecles sur une nation pour qu'elle se
reveille un beau matin jeune et forte. L'esclavage est un crime pour qui
le subit, aussi bien que pour qui l'impose. Il faut bien en recevoir le
chatiment, c'est-a-dire en subir la consequence.
J'avais pourtant reve de revoir Venise delivree. Mais, si tout y va de
mal en pis, si la liberte n'a pu lui rendre la vie, c'est encore plus
triste que de la voir opprimee. Ou etes-vous, a present? recevrez-vous
cette lettre? J'en doute, puisque les autres ont ete supprimees. Dieu
sait pourtant si elles interessaient les polices papales!--Je crois que
vous allez etre gueri et console par la vue des montagnes. Ces grandes
choses-la ne changent pas.
Vous me demandez ou je serai en septembre. A Nohant probablement, et
pourtant je n'en sais rien. S'il se faisait enfin un ete, j'irais courir
un peu. Nous avons pour la seconde fois une saison deplorable, des
orages, de la pluie et du froid. Il faisait plus chaud a Paris, ou
j'ai passe quelques semaines, avec mes enfants, et ou l'Exposition m'a
beaucoup interessee. J'y retournerai quand je pourrai. Mais, en verite,
je ne sais rien de moi. Je me trouve calme ici, et je vois pousser ma
petite. Je travaille tout doucement. Il y a longtemps que _Cadio_ est
fini et attend son tour a la _Revue_.
Ne quittez pas l'Europe sans que nous nous revoyions. Nous nous
arrangerons bien pour nous accrocher quand vous serez de retour en
France. Mes enfants vous envoient leurs amities, et moi, je vous
souhaite bon plaisir et bonne sante en voyage. A vous de coeur.
DCXLI
A M. FRANCOIS ROLLINAT, A CHATEAUROUX
Nohant, 29 juillet 1867.
Cher ami,
Je n'ai pu voir M. Lafagette qu'un instant. J'etais souffrante et mes
enfants m'emmenaient de force a la promenade. Je l'ai donc appele en
conference sur la route, en passant a Vic. Puisque tu t'interesses
particulierement a ce jeune homme, qui par lui-meme d'ailleurs, me
parait interessant, je desirerais etre a meme de lui donner un bon
conseil. Mais, en fait de poesie montee de ton comme celle-ci, je suis
un mauvais juge. J'ai trop fait de parodies de ce genre dans nos gaietes
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