'attendrais le payement de ma creance
aussi longtemps qu'il le voudrait, et je promis de lui preter
encore de l'argent, s'il voulait m'aider a me faire rendre ce que
me doivent d'autres chevaliers; car, a dire vrai, le seigneur
officier n'a pas un ducat dans la poche, tout comme s'il etait
Cosaque, quoiqu'il ait des villages, des maisons, quatre chateaux
et des steppes qui s'etendent jusqu'a Chklov. Et maintenant, si
les juifs de Breslav ne l'eussent pas equipe, il n'aurait pas pu
aller a la guerre. C'est aussi pour cela qu'il n'a point paru a la
diete.
-- Qu'as-tu donc fait dans la ville? as-tu vu les notres?
-- Comment donc! il y en a beaucoup des notres: Itska, Rakhoum,
Khaivalkh, l'intendant...
-- Qu'ils perissent tous, les chiens! s'ecria Tarass en colere.
Que viens-tu me mettre sous le nez ta maudite race de juifs? je te
parle de nos Zaporogues.
-- Je n'ai pas vu nos Zaporogues; mais j'ai vu le seigneur Andry.
-- Tu as vu Andry? dit Boulba. Eh bien! quoi? comment? ou l'as-tu
vu? dans une fosse, dans une prison, attache, enchaine?
-- Qui aurait ose attacher le seigneur Andry? c'est a present l'un
des plus grands chevaliers. Je ne l'aurais presque pas reconnu.
Les brassards sont en or, la ceinture est en or, il n'y a que de
l'or sur lui. Il est tout etincelant d'or, comme quand au
printemps le soleil reluit sur l'herbe. Et le _vaivode_ lui a
donne son meilleur cheval; ce cheval seul coute deux cents ducats.
Boulba resta stupefait:
-- Pourquoi donc a-t-il mis une armure qui ne lui appartient pas?
Parce qu'elle etait meilleure que la sienne; c'est pour cela qu'il
l'a mise. Et maintenant il parcourt les rangs, et d'autres
parcourent les rangs, et il enseigne, et on l'enseigne, comme s'il
etait le plus riche des seigneurs polonais.
-- Qui donc le force a faire tout cela?
-- Je ne dis pas qu'on l'ait force. Est-ce que le seigneur Tarass
ne sait pas qu'il est passe dans l'autre parti par sa propre
volonte?
-- Qui a passe?
-- Le seigneur Andry.
-- Ou a-t-il passe?
-- Il a passe dans l'autre parti; il est maintenant des leurs.
-- Tu mens, oreille de cochon.
-- Comment est-il possible que je mente? Suis-je un sot, pour
mentir contre ma propre tete? Est-ce que je ne sais pas qu'on pend
un juif comme un chien, s'il ose mentir devant un seigneur?
-- C'est-a-dire que, d'apres toi, il a vendu sa patrie et sa
religion?
-- Je ne dis pas qu'il ait vendu quelque chose; je dis seulement
qu'
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