rais essayer mes forces, s'ecria
l'_ataman_ du _kouren_ de Nesamaiko, Koukoubenko.
Il donna de l'eperon a son cheval et s'elanca sur le Polonais, en
criant d'une voix si forte que tous ceux qui se trouvaient proche
tressaillirent involontairement. Le Polonais eut l'intention de
tourner son cheval pour faire face a ce nouvel ennemi; mais
l'animal ne lui obeit point. Epouvante par ce terrible cri, il
avait fait un bond de cote, et Koukoubenko put frapper, d'une
balle dans le dos, le Polonais qui tomba de son cheval. Meme
alors, le Polonais ne se rendit pas; il tacha encore de percer
l'ennemi, mais sa main affaiblie laissa retomber son sabre.
Koukoubenko prit a deux mains sa lourde epee, lui en enfonca la
pointe entre ses levres palies. L'epee lui brisa les dents, lui
coupa la langue, lui traversa les vertebres du cou, et penetra
profondement dans la terre ou elle le cloua pour toujours. Le sang
rose jaillit de la blessure, ce sang de gentilhomme, et lui
teignit son caftan jaune brode d'or. Koukoubenko abandonna le
cadavre, et se jeta avec les siens sur un autre point.
-- Comment peut-on laisser la une si riche armure sans la
ramasser? dit l'_ataman_ du _kouren_ d'Oumane, Borodaty.
Et il quitta ses gens pour s'avancer vers l'endroit ou le
gentilhomme gisait a terre.
-- J'ai tue sept seigneurs de ma main, mais je n'ai trouve sur
aucun d'eux une aussi belle armure.
Et Borodaty, entraine par l'ardeur du gain, se baissa pour enlever
cette riche depouille. Il lui ota son poignard turc, orne de
pierres precieuses, lui enleva sa bourse pleine de ducats, lui
detacha du cou un petit sachet qui contenait, avec du linge fin,
une boucle de cheveux donnee par une jeune fille, en souvenir
d'amour. Borodaty n'entendit pas que l'officier au nez rouge
arrivait sur lui par derriere, celui-la meme qu'il avait deja
renverse de la selle, apres l'avoir marque d'une balafre au
visage. L'officier leva son sabre et lui assena un coup terrible
sur son cou penche. L'amour du butin n'avait pas mene a une bonne
fin l'_ataman_ Borodaty. Sa tete puissante roula par terre d'un
cote, et son corps de l'autre, arrosant l'herbe de son sang. A
peine l'officier vainqueur avait-il saisi par sa touffe de cheveux
la tete de l'_ataman_ pour la pendre a sa selle, qu'un vengeur
s'etait deja leve.
Ainsi qu'un epervier qui, apres avoir trace des cercles avec ses
puissantes ailes, s'arrete tout a coup immobile dans l'air, et
fond comme la fleche sur une
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