queues des
chevaux, que les Zaporogues lancerent dans la plaine en les
chassant devant eux a grands coups de fouet. Les chevaux furieux
coururent longtemps a travers les champs, trainant derriere eux
les cadavres ensanglantes qui roulaient et se heurtaient dans la
poussiere.
Le soir venu, tous les _koureni_ s'assirent en rond et se mirent a
parler des hauts faits de la journee. Ils veillerent longtemps
ainsi. Le vieux Tarass se coucha plus tard que tous les autres; il
ne comprenait pas pourquoi Andry ne s'etait pas montre parmi les
combattants. Le Judas avait-il eu honte de se battre contre ses
freres? Ou bien le juif l'avait il trompe, et Andry se trouvait-il
en prison. Mais Tarass se souvint que le coeur d'Andry avait
toujours ete accessible aux seductions des femmes, et, dans sa
desolation, il se mit a maudire la Polonaise qui avait perdu son
fils, a jurer qu'il en tirerait vengeance. Il aurait tenu son
serment, sans etre touche par la beaute de cette femme; il
l'aurait trainee par ses longs cheveux a travers tout le camp des
Cosaques; il aurait meurtri et souille ses belles epaules, aussi
blanches que la neige eternelle qui couvre le sommet des hautes
montagnes; il aurait mis en pieces son beau corps. Mais Boulba ne
savait pas lui-meme ce que Dieu lui preparait pour le lendemain...
Il finit par s'endormir, tandis que la garde, vigilante et sobre,
se tint toute la nuit pres des feux, regardant avec attention de
tous cotes dans les tenebres.
CHAPITRE VIII
Le soleil n'etait pas encore arrive a la moitie de sa course dans
le ciel, que tous les Zaporogues se reunissaient en assemblee. De
la _setch_ etait venue la terrible nouvelle que les Tatars,
pendant l'absence des Cosaques, l'avaient entierement pillee,
qu'ils avaient deterre le tresor que les Cosaques conservaient
mysterieusement sous la terre; qu'ils avaient massacre ou fait
prisonniers tous ceux qui restaient, et qu'emmenant tous les
troupeaux, tous les haras, ils s'etaient diriges en droite ligne
sur Perekop. Un seul Cosaque, Maxime Golodoukha, s'etait echappe
en route des mains des Tatars; il avait poignarde le _mirza_,
enleve son sac rempli de sequins, et, sur un cheval tatar, en
habits tatars, il s'etait soustrait aux poursuites par une course
de deux jours et de deux nuits. Son cheval etait mort de fatigue;
il en avait pris un autre, l'avait encore tue, et sur le troisieme
enfin il etait arrive dans le camp des Zaporogues, ayant appris en
route q
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