nseil ne vaut rien, _kochevoi_, dit-il; tu ne parles
pas comme il faut, Il parait que tu as oublie que ceux des notres
qu'ont pris les Polonais demeurent prisonniers. Tu veux donc que
nous ne respections pas la premiere des saintes lois de la
fraternite, que nous abandonnions nos compagnons, pour qu'on les
ecorche vivants, ou bien pour que, apres avoir ecartele leurs
corps de Cosaques, on en promene les morceaux par les villes et
les campagnes, comme ils ont deja fait du _hetman_ et des
meilleurs chevaliers de l'Ukraine. Et sans cela, n'ont-ils pas
assez insulte a tout ce qu'il y a de saint. Que sommes-nous donc?
je vous le demande a tous. Quel Cosaque est celui qui abandonne
son compagnon dans le danger, qui le laisse comme un chien perir
sur la terre etrangere? Si la chose en est venue au point que
personne ne revere plus l'honneur cosaque, et si l'on permet qu'on
lui crache sur sa moustache grise, ou qu'on l'insulte par
d'outrageantes paroles, ce n'est pas moi du moins qu'on insultera.
Je reste seul.
Tous les Zaporogues qui l'entendirent furent ebranles.
-- Mais as-tu donc oublie, brave _polkovnik_, dit alors le
_kochevoi_, que nous avons aussi des compagnons dans les mains des
Tatars, et que si nous ne les delivrons pas maintenant, leur vie
sera vendue aux paiens pour un esclavage eternel, pire que la plus
cruelle des morts? As-tu donc oublie qu'ils emportent tout notre
tresor, acquis au prix du sang chretien?
Tous les Cosaques resterent pensifs, ne sachant que dire. Aucun
d'eux ne voulait meriter une mauvaise renommee. Alors s'avanca
hors des rangs le plus ancien par les annees de l'armee zaporogue,
Kassian Bovdug. Il etait venere de tous les Cosaques. Deux fois on
l'avait elu _kochevoi_, et a la guerre aussi c'etait un bon
Cosaque. Mais il avait vieilli. Depuis longtemps il n'allait plus
en campagne, et s'abstenait de donner des conseils. Seulement il
aimait, le vieux, a rester couche sur le flanc, pres des groupes
de Cosaques, ecoutant les recits des aventures d'autrefois et des
campagnes de ses jeunes compagnons. Jamais il ne se melait a leurs
discours, mais il les ecoutait en silence, ecrasant du pouce la
cendre de sa courte pipe, qu'il n'otait jamais de ses levres, et
il restait longtemps couche, fermant a demi les paupieres, et les
Cosaques ne savaient s'il etait endormi ou s'il les ecoutait
encore. Pendant toutes les campagnes, il gardait la maison; mais
cette fois pourtant le vieux s'etait laisse pr
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