la main une hache et d'autres instruments, c'est le
bourreau, et c'est lui qui les suppliciera. Et quand il commencera
a tourner la roue et a faire d'autres tortures, le criminel sera
encore vivant; mais lorsqu'on lui coupera la tete, alors, ma
petite, il mourra aussitot. D'abord il criera et se debattra, mais
des qu'on lui aura coupe la tete, il ne pourra plus ni crier, ni
manger, ni boire, parce que alors, ma petite, il n'aura plus de
tete.
Et Yousefa ecoutait tout cela avec terreur et curiosite. Les toits
des maisons etaient couverts de peuple. Aux fenetres des combles
apparaissaient d'etranges figures a moustaches, coiffees d'une
espece de bonnet. Sur les balcons, abrites pas des baldaquins, se
tenait l'aristocratie. La jolie main, brillante comme du sucre
blanc, d'une jeune fille rieuse, reposait sur la grille du balcon.
De nobles seigneurs, doues d'un embonpoint respectable,
contemplaient tout cela d'un air majestueux. Un valet en riche
livree, les manches rejetees en arriere, faisait circuler des
boissons et des rafraichissements. Souvent une jeune fille
espiegle, aux yeux noirs, saisissant de sa main blanche des
gateaux ou des fruits, les jetait au peuple. La cohue des
chevaliers affames s'empressait de tendre leurs chapeaux, et
quelque long hobereau, qui depassait la foule de toute sa tete,
vetu d'un _kountousch_ autrefois ecarlate, et tout chamarre de
cordons en or noircis par le temps, saisissait les gateaux au vol,
grace a ses longs bras, baisait la proie qu'il avait conquise,
l'appuyait sur son coeur, et puis la mettait dans sa bouche. Un
faucon, suspendu au balcon dans une cage doree, figurait aussi
parmi les spectateurs; le bec tourne de travers et la patte levee,
il examinait aussi le peuple avec attention. Mais la foule s'emut
tout a coup, et de toutes parts retentirent les cris: les voila,
les voila! ce sont les Cosaques!
Ils marchaient, la tete decouverte, leurs longues tresses
pendantes, tous avaient laisse pousser leur barbe. Ils
s'avancaient sans crainte et sans tristesse, avec une certaine
tranquillite fiere. Leurs vetements de draps precieux s'etaient
uses, et flottaient autour d'eux en lambeaux; ils ne regardaient
ni ne saluaient le peuple, le premier de tous marchait Ostap.
Que sentit le vieux Tarass, lorsqu'il vit Ostap? Que se passa-t-il
alors dans son coeur?... Il le contemplait au milieu de la foule,
sans perdre un seul de ses mouvements. Les Cosaques etaient deja
parvenus au lieu
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