etaient leves de toutes les
contrees, de Tchiguirine, de Pereieslav, de Batourine, de
Gloukhoff, des rivages inferieurs du Dniepr, de ses hauteurs et de
ses iles. D'innombrables chevaux et des masses de chariots armes
serpentaient dans les champs. Mais parmi ces nuees de Cosaques,
parmi ces huit _polk_s reguliers, il y avait un _polk_ superieur a
tous les autres; et a la tete de ce _polk_ etait Tarass Boulba.
Tout lui donnait l'avantage sur le reste des chefs, et son age
avance, et sa longue experience, et sa science de faire mouvoir
les troupes, et sa haine des ennemis, plus forte que chez tout
autre. Meme aux Cosaques sa ferocite implacable et sa cruaute
sanguinaire paraissaient exagerees. Sa tete grise ne condamnait
qu'au feu et a la potence, et son avis dans le conseil de guerre
ne respirait que ruine et devastation.
Il n'est pas besoin de decrire tous les combats que livrerent les
Cosaques, ni la marche progressive de la campagne; tout cela est
ecrit sur les feuillets des annales. On sait quelle est, dans la
terre russe, une guerre soulevee pour la religion. Il n'est pas de
force plus forte que la religion. Elle est implacable, terrible,
comme un roc dresse par les mains de la nature au milieu d'une mer
eternellement orageuse et changeante. Du milieu des profondeurs de
l'Ocean, il leve vers le ciel ses murailles inebranlables, formees
d'une seule pierre, entiere et compacte. De toutes parts on
l'apercoit, et de toutes parts il regarde fierement les vagues qui
fuient devant lui. Malheur au navire qui vient le choquer! ses
fragiles agres volent en pieces; tout ce qu'il porte se noie ou se
brise, et l'air d'alentour retentit des cris plaintifs de ceux qui
perissent dans les flots.
Sur les feuillets des annales on lit d'une maniere detaillee
comment les garnisons polonaises fuyaient des villes reconquises;
comment l'on pendait les fermiers juifs sans conscience; comment
l'_hetman_ de la couronne, Nicolas Potocki, se trouva faible, avec
sa nombreuse armee, devant cette force irresistible; comment,
defait et poursuivi, il noya dans une petite riviere la majeure
partie de ses troupes; comment les terribles _polk_s cosaques le
cernerent dans le petit village de Polonnoi, et comment, reduit a
l'extremite, l'_hetman_ polonais promit sous serment, au nom du
roi et des magnats de la couronne, une satisfaction entiere ainsi
que le retablissement de tous les anciens droits et privileges.
Mais les Cosaques n'etaient pas hom
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