mes a se laisser prendre a
cette promesse; ils savaient ce que valaient a leur egard les
serments polonais. Et Potocki n'eut plus fait le beau sur son
_argamak_ de six mille ducats, attirant les regards des illustres
dames et l'envie de la noblesse; il n'eut plus fait de bruit aux
assemblees, ni donne de fetes splendides aux senateurs, s'il
n'avait ete sauve par le clerge russe qui se trouvait dans ce
village. Lorsque tous les pretres sortirent, vetus de leurs
brillantes robes dorees, portant les images de la croix, et, a
leur tete, l'archeveque lui-meme, la crosse en main et la mitre en
tete, tous les Cosaques plierent le genou et oterent leurs
bonnets. En ce moment ils n'eussent respecte personne, pas meme le
roi; mais ils n'oserent point agir contre leur Eglise chretienne,
et s'humilierent devant leur clerge. L'_hetman_ et les
_polkovniks_ consentirent d'un commun accord a laisser partir
Potocki, apres lui avoir fait jurer de laisser desormais en paix
toutes les eglises chretiennes, d'oublier les inimities passees et
de ne faire aucun mal a l'armee cosaque. Un seul _polkovnik_
refusa de consentir a une paix pareille; c'etait Tarass Boulba. Il
arracha une meche de ses cheveux, et s'ecria
-- _Hetman_, _hetman_! et vous, _polkovniks_, ne faites pas cette
action de vieille femme; ne vous fiez pas aux Polonais; ils vous
trahiront, les chiens!
Et lorsque le greffier du _polk_ eut presente le traite de paix,
lorsque l'_hetman_ y eut appose sa main toute-puissante, Boulba
detacha son precieux sabre turc, en pur damas du plus bel acier,
le brisa en deux, comme un roseau, et en jeta au loin les troncons
dans deux directions opposees.
-- Adieu donc! s'ecria-t-il. De meme que les deux moities de ce
sabre ne se reuniront plus et ne formeront jamais une meme arme,
de meme, nous, aussi, compagnons, nous ne nous reverrons plus en
ce monde! N'oubliez donc pas mes paroles d'adieu.
Alors sa voix grandit, s'eleva, acquit une puissance etrange, et
tous s'emurent en ecoutant ses accents prophetiques.
-- A votre heure derniere, vous vous souviendrez de moi. Vous
croyez avoir achete le repos et la paix; vous croyez que vous
n'avez plus qu'a vous donner du bon temps? Ce sont d'autres fetes
qui vous attendent. _Hetman_, on t'arrachera la peau de la tete,
on l'emplira de graine de riz, et, pendant longtemps, on la verra
colportee a toutes les foires! Vous non plus, seigneurs, vous ne
conserverez pas vos tetes. Vous pourrirez dans
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