t tous les
Cosaques.
Ils s'arretent un instant, levent leurs fouets sifflent, et leurs
chevaux tatars se detachent du sol, se deroulant dans l'air, comme
des serpents, volent par-dessus l'abime et tombent droit au milieu
du Dniestr. Deux seulement d'entre eux n'atteignirent pas le
fleuve; ils se fracasserent sur les rochers, et y perirent avec
leurs chevaux sans meme pousser un cri. Deja les Cosaques
nageaient a cheval dans la riviere et detachaient les bateaux. Les
Polonais s'arreterent devant l'abime s'etonnant de l'exploit inoui
des Cosaques, et se demandant s'il fallait ou non sauter a leur
suite. Un jeune colonel au sang vif et bouillant, le propre frere
de la belle Polonaise qui avait enchante le pauvre Andry, s'elanca
sans reflechir a la poursuite des Cosaques; il tourna trois fois
en l'air avec son cheval, et retomba sur les rocs aigus. Les
pierres anguleuses le dechirerent en lambeaux, le precipice
l'engloutit, et sa cervelle, melee de sang, souilla les buissons
qui croissaient sur les pentes inegales du glacis.
Lorsque Tarass se reveilla du coup qui l'avait etourdi, lorsqu'il
regarda le Dniestr, les Cosaques etaient deja dans les bateaux et
s'eloignaient a force de rames. Les balles pleuvaient sur eux de
la hauteur, mais sans les atteindre. Et les yeux du vieux
_polkovnik_ brillaient du feu de la joie.
-- Adieu, camarades, leur cria-t-il, d'en haut; souvenez-vous de
moi, revenez ici au printemps prochain, et faites une belle
tournee! Qu'avez vous gagne, Polonais du diable? Croyez-vous qu'il
y ait au monde une chose qui fasse peur a un Cosaque? Attendez un
peu, le temps viendra bientot ou vous apprendrez ce que c'est que
la religion russe orthodoxe. Des a present les peuples voisins et
lointains le pressentent: un tsar s'elevera de la terre russe, et
il n'y aura pas dans le monde de puissance qui ne se soumette a
lui!...
Deja le feu s'elevait au-dessus du bucher, atteignait les pieds de
Tarass, et se deroulait en flamme le long du tronc d'arbre... Mais
se trouvera-t-il au monde un feu, des tortures, une puissance
capables de dompter la force cosaque!
Ce n'est pas un petit fleuve que le Dniestr; il y a beaucoup
d'anses, beaucoup d'endroits sans fond, et d'epais joncs croissent
sur ses rivages. Le miroir du fleuve est brillant; il retentit du
cri sonore des cygnes, et le superbe _gogol_[40] se laisse emporter
par son rapide courant. Des nuees de courlis, de becassines au
rougeatre plumage, et d'autr
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