u'ils assiegeaient Doubno. Il ne put qu'annoncer le malheur
qui etait arrive; mais comment etait-il arrive, ce malheur? Les
Cosaques demeures a la _setch_ s'etaient-ils enivres selon la
coutume zaporogue, et rendus prisonniers dans l'ivresse? Comment
les Tatars avaient-ils decouvert l'endroit ou etait enterre le
tresor de l'armee? Il n'en put rien dire. Le Cosaque etait harasse
de fatigue; il arrivait tout enfle; le vent lui avait brule le
visage, il tomba sur la terre, et s'endormit d'un profond sommeil.
En pareil cas, c'etait la coutume zaporogue de se lancer aussitot
a la poursuite des ravisseurs, et de tacher de les atteindre en
route, car autrement les prisonniers pouvaient etre transportes
sur les bazars de l'Asie Mineure, a Smyrne, a l'ile de Crete, et
Dieu sait tous les endroits ou l'on aurait vu les tetes a longue
tresse des Zaporogues. Voila pourquoi les Cosaques s'etaient
assembles. Tous, du premier au dernier, se tenaient debout, le
bonnet sur la tete, car ils n'etaient pas venus pour entendre
l'ordre du jour de l'_ataman_, mais pour se concerter comme egaux
entre eux.
-- Que les anciens donnent d'abord leur conseil! criait-on dans la
foule.
-- Que le _kochevoi_ donne son conseil! disaient les autres.
Et le _kochevoi_, otant son bonnet, non plus comme chef des
Cosaques, mais comme leur camarade, les remercia de l'honneur
qu'ils lui faisaient et leur dit:
-- Il y en a beaucoup parmi nous qui sont plus anciens que moi et
plus sages dans les conseils; mais puisque vous m'avez choisi pour
parler le premier, voici mon opinion: Camarades, sans perdre de
temps, mettons-nous a la poursuite du Tatar, car vous savez vous-
memes quel homme c'est, le Tatar. Il n'attendra pas votre arrivee
avec les biens qu'il a enleves; mais il les dissipera sur-le-
champ, si bien qu'on n'en trouvera plus la trace. Voici donc mon
conseil: en route! Nous nous sommes assez promenes par ici; les
Polonais savent ce que sont les Cosaques. Nous avons venge la
religion autant que nous avons pu; quant au butin, il ne faut pas
attendre grand'chose d'une ville affamee. Ainsi donc mon conseil
est de partir.
-- Partons!
Ce mot retentit dans les _koureni_ des Zaporogues.
Mais il ne fut pas du gout de Tarass Boulba, qui abaissa, en les
froncant, ses sourcils meles de blanc et de noir, semblables aux
buissons qui croissent sur le flanc nu d'une montagne, et dont les
cimes ont blanchi sous le givre herisse du nord.
-- Non, ton co
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