ite du _kochevoi_, s'etaient mis a la
poursuite des Tatars, n'existaient plus; tous avaient peri: l'un
etait tombe au champ d'honneur; un autre etait mort de faim et de
soif au milieu des steppes salees de la Crimee; un autre encore
s'etait eteint dans la captivite, n'ayant pu supporter sa honte.
L'ancien _kochevoi_ aussi n'etait plus, des longtemps, de ce
monde, ni aucun de ses vieux compagnons, et deja l'herbe du
cimetiere avait pousse sur les restes de ces Cosaques, autrefois
bouillonnants de courage et de vie. Tarass entendait seulement
qu'autour de lui il y avait une grande orgie, une orgie bruyante:
toute la vaisselle avait vole en eclats; il n'etait pas reste une
goutte de vin; les hotes et les serviteurs avaient emporte toutes
les coupes, tous les vases precieux, et le maitre de la maison,
demeure solitaire et morne, pensait que mieux eut valu qu'il n'y
eut pas de fete. On s'efforcait en vain d'occuper et de distraire
Tarass; en vain les vieux joueurs de _bandoura_ a la barbe grise
defilaient, par deux et par trois devant lui, chantant ses
exploits de Cosaque; il contemplait tout d'un oeil sec et
indifferent; une douleur inextinguible se lisait sur ses traits
immobiles et sa tete penchee; il disait a voix basse:
-- Mon fils Ostap!
Cependant, les Zaporogues s'etaient prepares a une expedition
maritime. Deux cents bateaux avaient ete lances sur le Dniepr, et
l'Asie Mineure avait vu ces Cosaques a la tete rasee, a la tresse
flottante, mettre a feu et a sang ses rivages fleuris; elle avait
vu les turbans musulmans, pareils aux fleurs innombrables de ses
campagnes, disperses dans ses plaines sanglantes ou nageant aupres
du rivage. Elle avait vu quantite de larges pantalons cosaques
taches de goudron, quantite de bras musculeux armes de fouets
noirs. Les Zaporogues avaient detruit toutes les vignes et mange
tout le raisin; ils avaient laisse des tas de fumiers dans les
mosquees; ils se servaient, en guise de ceintures, des chales
precieux de la Perse, et en ceignaient leurs caftans salis.
Longtemps apres on trouvait encore, sur les lieux qu'ils avaient
foules, les petites pipes courtes des Zaporogues. Tandis qu'ils
s'en retournaient gaiement, un vaisseau turc de dix canons s'etait
mis a leur poursuite, et une salve generale de son artillerie
avait disperse leurs bateaux legers comme une troupe d'oiseaux. Un
tiers d'entre eux avaient peri dans les profondeurs de la mer; le
reste avait pu se rallier pour gagner l'
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