our une action si
honteuse, on l'attacha a un poteau sur la place du bazar, et l'on
mit pres de lui un gros baton afin que chacun, selon la mesure de
ses forces, put lui en assener un coup. Mais, parmi les
Zaporogues, il ne se trouva pas un seul homme qui levat le baton
sur lui, se souvenant des services qu'il avait rendus. Tel etait
le Cosaque Mosy Chilo.
-- Si, pourtant, il y en a pour vous rosser, chiens, dit-il en
s'elancant sur le Polonais.
Aussi, comme ils se battirent! Cuirasses et brassards se plierent
sous leurs coups a tous deux. Le Polonais lui dechira sa chemise
de fer, et lui atteignit le corps de son sabre. La chemise du
Cosaque rougit, mais Chilo n'y fit nulle attention. Il leva sa
main; elle etait lourde sa main noueuse, et il etourdit son
adversaire d'un coup sur la tete. Son casque de bronze vola en
eclats; le Polonais chancela, et tomba de la selle; et Chilo se
mit a sabrer en croix l'ennemi renverse. Cosaque, ne perds pas ton
temps a l'achever, mais retourne-toi plutot!... Il ne se retourna
point, le Cosaque, et l'un des serviteurs du vaincu le frappa de
son couteau dans le cou. Chilo fit volte-face, et deja il
atteignait l'audacieux, mais celui-ci disparut dans la fumee de la
poudre. De tous cotes resonnait un bruit de mousqueterie. Chilo
chancela, et sentit que sa blessure etait mortelle. Il tomba, mit
la main sur la plaie, et se tournant vers ses compagnons:
-- Adieu, seigneurs freres camarades, dit-il; que la terre russe
orthodoxe reste debout pour l'eternite, et qu'il lui soit rendu un
honneur eternel.
Il ferma ses yeux eteints, et son ame cosaque quitta sa farouche
enveloppe.
Deja Zadorojni s'avancait a cheval, et l'_ataman_ de _kouren_,
Vertikhvist, et Balaban s'avancaient aussi.
-- Dites-moi, seigneurs, s'ecria Tarass, en s'adressant aux
_atamans_ des _koureni_; y a-t-il encore de la poudre dans les
poudrieres? La force cosaque ne s'est-elle pas affaiblie? Les
notres ne plient-ils pas encore?
-- Pere, il y a encore de la poudre dans les poudrieres; la force
cosaque n'est pas affaiblie, et les notres ne plient pas encore.
Et les Cosaques firent une vigoureuse attaque. Ils rompirent les
rangs ennemis. Le petit colonel fit sonner la retraite et hisser
huit drapeaux peints, pour rassembler les siens qui s'etaient
disperses dans la plaine. Tous les Polonais accoururent aux
drapeaux; mais ils n'avaient pas encore reforme leurs rangs que,
deja, l'_ataman_ Koukoubenko faisait, av
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