caille qui chante dans les bles pres
de la route, ainsi le fils de Tarass, Ostap, s'elanca sur
l'officier polonais et lui jeta son noeud coulant autour du cou.
Le visage rouge de l'officier rougit encore quand le noeud coulant
lui serra la gorge. Il saisit convulsivement son pistolet, mais sa
main ne put le diriger, et la balle alla se perdre dans la plaine.
Ostap detacha de la selle du Polonais un lacet en soie dont il se
servait pour lier les prisonniers, lui garrotta les pieds et les
bras, attacha l'autre bout du lacet a l'arcon de sa propre selle,
et le traina a travers champs, en criant aux Cosaques d'Oumane
d'aller rendre les derniers devoirs a leur _ataman_. Quand les
Cosaques de ce _kouren_ apprirent que leur _ataman_ n'etait plus
en vie, ils abandonnerent le combat pour relever son corps, et se
concerterent pour savoir qui il fallait choisir a sa place.
-- Mais a quoi bon tenir de longs conseils! dirent-ils enfin; il
est impossible de choisir un meilleur _kourennoi_ qu'Ostap Boulba.
Il est vrai qu'il est plus jeune que nous tous; mais il a de
l'esprit et du sens comme un vieillard.
Ostap, otant son bonnet, remercia ses camarades de l'honneur
qu'ils lui faisaient, mais sans pretexter ni sa jeunesse, ni son
manque d'experience, car, en temps de guerre, il n'est pas permis
d'hesiter. Ostap les conduisit aussitot contre l'ennemi, et leur
prouva que ce n'etait pas a tort qu'ils l'avaient choisi pour
_ataman_. Les Polonais sentirent que l'affaire devenait trop
chaude; ils reculerent et traverserent la plaine pour se
rassembler de l'autre cote. Le petit colonel fit signe a une
troupe de quatre cents hommes qui se tenaient en reserve pres de
la porte de la ville, et ils firent une decharge de mousqueterie
sur les Cosaques. Mais ils n'atteignirent que peu de monde.
Quelques balles allerent frapper les boeufs de l'armee, qui
regardaient stupidement le combat. Epouvantes, ces animaux
pousserent des mugissements, se ruerent sur le _tabor_ des
Cosaques, briserent des chariots et foulerent aux pieds beaucoup
de monde. Mais Tarass, en ce moment, s'elancant avec son _polk_ de
l'embuscade ou il etait poste, leur barra le passage, en faisant
jeter de grands cris a ses gens. Alors tout le troupeau furieux,
eperdu, se retourna sur les regiments polonais qu'il mit en
desordre.
-- Grand merci, taureaux! criaient les Zaporogues; vous nous avez
bien servis pendant la marche, maintenant, vous nous servez a la
bataille!
Les
|