a tout le monde que mon pere n'est plus mon pere,
que mon frere n'est plus mon frere, que mes camarades ne sont plus
mes camarades, et que je veux me battre contre eux tous, contre
eux tous."
-- Tu mens, Judas! s'ecria Tarass hors de lui; tu mens, chien. Tu
as crucifie le Christ, homme maudit de Dieu. Je te tuerai, Satan.
Sauve-toi, si tu ne veux pas rester mort sur le coup.
En disant cela, Tarass tira son sabre. Le juif epouvante se mit a
courir de toute la rapidite de ses seches et longues jambes; et
longtemps il courut, sans tourner la tete, a travers les chariots
des Cosaques, et longtemps encore dans la plaine, quoique Tarass
ne l'eut pas poursuivi, reflechissant qu'il etait indigne de lui
de s'abandonner a sa colere contre un malheureux qui n'en pouvait
mais.
Boulba se souvint alors qu'il avait vu, la nuit precedente, Andry
traverser le _tabor_ menant une femme avec lui. Il baissa sa tete
grise, et cependant il ne voulait pas croire encore qu'une action
aussi infame eut ete commise, et que son propre fils eut pu vendre
ainsi sa religion et son ame.
Enfin il conduisit son _polk_ a la place qui lui etait designee,
derriere le seul bois que les Cosaques n'eussent pas encore brule.
Cependant les Zaporogues, a pied et a cheval se mettaient en
marche dans la direction des trois portes de la ville. L'un apres
l'autre defilaient les divers _koureni_, composant l'armee. Il ne
manquait que le seul _kouren_ de Pereiaslav; les Cosaques qui le
composaient avaient bu la veille tout ce qu'ils devaient boire en
leur vie. Tel s'etait reveille garrotte dans les mains des
ennemis; tel avait passe endormi de la vie a la mort, et leur
_ataman_ lui-meme, Khlib, s'etait trouve sans pantalon et sans
vetement superieur au milieu du camp polonais.
On s'apercut dans la ville du mouvement des Cosaques. Toute la
population accourut sur les remparts, et un tableau anime se
presenta aux yeux des Zaporogues. Les chevaliers polonais, plus
richement vetus l'un que l'autre, occupaient la muraille. Leurs
casques en cuivre, surmontes de plumes blanches comme celles du
cygne, etincelaient au soleil; d'autres portaient de petits
bonnets, roses ou bleus, penches sur l'oreille, et des caftans aux
manches flottantes, brodes d'or ou de soieries. Leurs sabres et
leurs mousquets, qu'ils achetaient a grand prix, etaient, comme
tout leur costume, charges d'ornements. Au premier rang, se tenait
plein de fierte, portant un bonnet rouge et or, le co
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