ir mon coeur. Il y avait la quelque chose d'horrible dont je ne
saurais meme aujourd'hui me rendre compte. Je souhaitais son estime, et
je courais au-devant de son affection sans pouvoir renoncer a lui
infliger le plus amer des outrages!
Il me dit encore quelques paroles qui furent comme un trait de lumiere
sur le fond de sa pensee. Il me sembla qu'en m'invitant a retourner au
bal, c'est-a-dire a etre jeune, naif et croyant, il essayait de savoir
quelle impression Adelaide avait faite sur moi et si j'etais capable
d'aimer, car le nom de cette charmante fille arriva, je ne me rappelle
plus comment, sur ses levres.
Je fis d'elle le plus grand eloge, autant pour paraitre libre de coeur
et d'esprit vis-a-vis de sa femme que pour voir s'il eprouvait quelque
secrete douleur a propos de sa fille adoptive. Que n'aurais-je pas donne
pour decouvrir qu'il l'aimait a l'insu de lui-meme, et que l'infidelite
d'Alida ne troublerait pas la paix de son ame genereuse! Mais, s'il
aimait Adelaide, c'etait avec un desinteressement si vrai, ou avec une
si heroique abnegation, que je ne pus saisir aucun trouble dans ses yeux
ni dans ses paroles.
--Je n'ajoute rien a vos eloges, dit-il, et, si vous la connaissiez
comme moi qui l'ai vue naitre, vous sauriez que rien ne peut exprimer la
droiture et la bonte de cette ame-la. Heureux l'homme qui sera digne
d'etre son compagnon et son appui dans la vie! C'est un si grand honneur
et une si grande felicite a envisager, que celui-la devra y travailler
serieusement, et n'aura jamais le droit de se dire sceptique ou
desenchante.
--Monsieur de Valvedre, m'ecriai-je involontairement, vous semblez me
dire que je pourrais aspirer...
--A conquerir sa confiance? Non, je ne puis dire cela, je n'en sais
rien. Elle vous connait encore trop peu, et nul ne peut lire dans
l'avenir; mais vous n'ignorez pas que, dans le cas ou cela arriverait,
vos parents et les siens s'en rejouiraient beaucoup.
--Henri ne s'en rejouirait peut-etre pas! repondis-je.
--Henri? lui qui vous aime si ardemment? Prenez garde d'etre ingrat, mon
cher enfant!
--Non, non! ne me croyez pas ingrat! Je sais qu'il m'aime, je le sais
d'autant plus qu'il m'aime en depit de nos differences d'opinions et de
caracteres; mais ces differences, qu'il me pardonne pour son compte, le
feraient beaucoup reflechir, s'il s'agissait de me confier le sort d'une
de ses soeurs.
--Quelles sont donc ces differences? Il ne me les a pas signalees en
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