toilette. Elle
donnait le bras a M. de Valvedre, dont la consideration semblait mieux
que tout autre porte-respect la proteger contre les brutalites de
l'admiration. Neanmoins elle etait froissee de cette curiosite
outrageante des foules, et marchait triste, les yeux baisses, belle dans
sa fierte souffrante comme une reine qu'on trainerait au supplice.
Apres elle, Alida etait aussi un objet d'emotion. Sa beaute n'etait pas
frappante au premier abord; mais le charme en etait si profond, qu'on
l'admirait surtout apres qu'elle avait passe. J'entendis faire des
comparaisons, des reflexions plus ou moins niaises. Il me sembla qu'il
s'y melait des suspicions sur sa conduite. J'eus envie de chercher
pretexte a une querelle; mais a Geneve, si on est tres-petite ville, on
est generalement bon, et ma colere eut ete ridicule.
Le soir, il y eut un petit bal compose d'environ cinquante personnes qui
formaient la parente et l'intimite des deux familles. Alida parut avec
une toilette exquise, et, sur ma priere, elle dansa. Sa grace indolente
fit son effet magique; on se pressa autour d'elle, les jeunes gens se la
disputerent et se montrerent d'autant plus enfievres qu'elle paraissait
moins se soucier d'aucun d'eux en particulier. J'avais espere que la
danse me permettrait de lui parler. Ce fut le contraire qui arriva, et a
mon tour je pris de l'humeur contre elle. Je l'observai en boudant,
tres-dispose a lui chercher noise, si je surprenais la moindre nuance de
coquetterie. Ce fut impossible: elle ne voulait plaire a personne; mais
elle sentait, elle savait qu'elle charmait tous les hommes, et il y
avait dans son indifference je ne sais quel air de souverainete blasee,
mais toujours absolue, qui m'irrita. Je trouvai qu'elle parlait a ces
jeunes gens, non comme s'ils eussent eu des droits sur elle, mais comme
si elle en avait eu sur eux, et c'etait, a mon gre, leur faire trop
d'honneur. Elle avait le grand aplomb des femmes du monde, et je crus
retrouver, dans ses regards a des etrangers, cette prise de possession
qui avait bouleverse et ravi mon ame. Certes, aupres d'elle, Adelaide et
ses jeunes amies etaient de simples bourgeoises, tres-ignorantes de
l'empire de leurs charmes et tres-incapables, malgre l'eclat de leur
jeunesse, de lui disputer la plus humble conquete; mais qu'il y avait de
pudeur dans leur modestie, et comme leur extreme politesse etait une
sauvegarde contre la familiarite! Une petite circonstance me fit
insister
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