le regret
que le roi de Navarre avait de lui avoir donne lieu de soupconner sa
fidelite, et le supplier de lui pardonner sa faute.
Le roi, toujours porte a la douceur, pourvu que son autorite n'en
souffrit pas, repondit qu'il etait pret de recevoir les soumissions
du roi de Navarre a ces conditions: la premiere, qu'il renoncat a ses
injustes pretentions sur les fiefs qu'il lui avait cedes par un traite
solennel; la seconde, que, pour assurance de sa fidelite, il lui remit
incessamment entre les mains quelques places de ses frontieres de Brie
et de Champagne; la troisieme, qu'il accomplit au plutot son voeu
d'aller a la Terre-Sainte; et la quatrieme, que, de sept ans, il ne
remit le pied en France.
L'envoye consentit a tout, et le roi de Navarre vint, peu de jours
apres, trouver le roi, auquel il livra Bray-sur-Seine et Montereau
Faut-Yonne: c'est la ce que son infidelite et son imprudence lui
valurent. Peu de temps apres, la reine regente lui envoya ordre de
sortir de la cour, choquee sans doute de la liberte qu'il prenait de
lui temoigner toujours de la tendresse, lui faisant connaitre par cette
conduite le mepris qu'elle faisait d'un homme aussi frivole que lui.
L'accommodement fait avec le roi de Navarre etablit la tranquillite dans
le royaume, et le fit jouir, pendant cette annee, d'une heureuse paix,
durant laquelle le roi fut garanti d'un grand peril qu'il n'etait pas
possible de prevoir. On avait appris en Orient que le pape ne cessait
d'exciter les princes chretiens a s'unir ensemble pour le secours de la
Palestine; que le roi de France, qui joignait a une grande puissance
beaucoup de courage et de zele pour sa religion, etait de tous les
princes celui sur lequel le pape pouvait le plus compter pour le faire
chef d'une de ces expeditions generales qui avaient deja mis plusieurs
fois le mahometisme sur le penchant de sa ruine, et qui avaient cause de
si grandes pertes aux Musulmans. Un roi de ces contrees, qu'on nommait
le _Vieux de la Montagne_, et prince des assassins, crut qu'il rendrait
un grand service a son pays, s'il pouvait faire perir Louis. Pour cet
effet, il commanda a deux de ses sujets, toujours disposes a executer
aveuglement ses ordres, de prendre leur temps pour aller assassiner ce
prince. Ils partirent dans cette resolution, mais la providence de Dieu
qui veillait a la conservation d'une tete si precieuse, toucha le coeur
du prince assassin par le moyen de quelques chevaliers du Temple[1], q
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