ogie a la philosophie,
une pensee qui ne soit prise a la foule ou aux livres, qui ne doive etre
tenue pour inadequate ou mal concue. S'il est un titre que M. Hugo a
usurpe, c'est celui de penseur.
Il est naturel que l'on demande ici comment un poete chez qui nous
avons constate sous une magnifique elocution des symptomes marques de
debilite intellectuelle, se trouve cependant etre un grand artiste. La
reponse sera donnee par un nouvel ordre de faits que nous allons
developper.
Quand M. Hugo s'est empare d'une pensee vulgaire, quand il a imagine une
ame sans complications, ou une peripetie sans antecedents, le poete ne
s'en tient pas a cette simplicite sans interet. Emporte par sa tendance
verbale a la repetition qui ne saurait s'exercer qu'en gradation
ascendante, par son antithetisme qui reclame des chocs de grandes
masses, par l'enivrement des belles images et l'emportement des larges
rhythmes, il magnifie toutes choses au point de rendre les plus
insignifiantes colossales et tragiques. M. Victor Hugo voit grand. Les
plus simples scenes champetres, une vache paissant dans un pre, des
enfants qui jouent, un chene dans une clairiere, une fleur au bord d'un
chemin, prennent sous ses puissantes mains de petrisseur de verbe, une
grandeur calme et menacante, un aspect fatidique et geant, qui emeut
intimement. Rien de plus grandiose que sa grace. Il celebre dans la
_Chanson des Rues et des Bois_, le printemps, le matin, de jolies
filles, les nuits d'ete, avec une joie enorme. Son vers musculeux se
contourne, se degage et s'elance avec la forte souplesse d'un cable
d'acier, tourne a l'hymne dans l'elegie, a la bacchanale dans l'idylle,
constamment robuste et magnifique. La grosse bonne humeur de la populace
de Paris sous la Convention, un attroupement devant la baraque foraine
d'un ventriloque, certains boniments d'Ursus et le delirant epithalame
de M. Gillenormand aux noces de Marius et Cosette, sont animes et
transportes de la meme joie tumultueuse, retentissent en fanfares de
cuivre et en chants d'orgue, qui s'exhalent aux plus enormes eclats,
quand le poete entreprend les grands spectacles et les grandes
catastrophes.
Rien de plus demesure et de dechaine que certaines de ses tempetes. Un
incendie, celui de la Tourgue, est un flamboiement sublime. Une
bataille, comme celle de Waterloo dans les _Miserables_, est un
foudroiement de Titans. La charge epique des cuirassiers de Millaud, la
panique, les carres de la garde
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