ur les portraits, l'aspect, la physionomie des gens dont l'auteur
peuple ses pages, ce qu'il evoque c'est non une enumeration de traits au
repos, le catalogue d'un visage et d'un corps, mais leur mouvement, leur
attitude instantanee, leur figure surprise en un changement ou une
revulsion. Par une vision particuliere pareille en son effet, a ces
fusils photographiques, qui decomposent le vol d'une chauve-souris et le
saut d'un gymnaste, M. de Goncourt arrete le portrait de la soeur de la
Faustin, au sortir d'une crise hysterique, dans sa promenade nerveuse
par une salle de fin de diner,--decrit Cherie montant un escalier et,
"balancant sous vos yeux l'ondulante et molle ascension de son souple
torse". Dans un cheval blanc promene le soir aux lumieres dans un
manege, il saisit "un flottement de soie au milieu duquel s'apercevaient
des yeux humides". C'est la demarche d'Elisa partant en promenade,
qu'il nous donne, "avec son coquet hanchement a gauche", "l'ondulation
de ses reins trottinant un peu en avant de l'homme, la bouche et le
regard souleves, retournes vers son visage." Mais c'est dans les _Freres
Zemganno_ qu'eclate cet amour de la vie corporelle, ce penchant a
peindre des academies en mouvement, suspendues a l'oscillation d'un
trapeze, dardees dans l'allongement d'un saut, glissant sur une corde,
disloquees dans une pantomime, emportees et fuyantes dans le galop d'un
cheval.
Et comme M. de Goncourt rend l'action d'un corps plutot que son dessin,
il note des changements de figure, des mines plutot que des visages. Il
peint, en la Tomkins, "des yeux gris qui avaient des lueurs d'acier, des
clartes cruelles sous la transparence du teint"; en Cherie,
"l'animation, le montant, l'esprit parisien"; "l'ebauche de mots coleres
crevant sur des levres muettes", pour les traits convulses de la detenue
Elisa. La physionomie de la Faustin lui apparait tantot dessinee en
ombres et meplats lumineux, par une lampe posee pres de son lit, tantot
s'assombrissant, se creusant sous une emotion tragique:
Subitement sur la figure riante de la Faustin, descendit la
tenebreuse absorption du travail de la pensee; de l'ombre emplit
ses yeux demi-fermes; sur son front, semblable au jeune et mol
front d'un enfant qui etudie sa lecon, les protuberances, au-dessus
des sourcils, semblerent se gonfler sous l'effort de l'attention;
le long de ses tempes, de ses joues, il y eut le palissement
imperceptible que
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