seconde
j'avais sentie en moi?... A la fin le degout reste seul; comme une
ombre se mouvant dans une lueur tres pale, il grandit, il devient
ruineux, il absorbe tout, le present et l'avenir, ce qui est et ce qui
pourrait etre, il etend jusqu'a d'invisibles limites son envahissante
obscurite et sa main pesante m'ecrase dans ces tenebres emanees de lui."
De la volonte le mal s'etend aux emotions. Le pessimisme de M. Rod
arrive a ce dernier repliement sur soi, ou s'interrogeant sans cesse,
oubliant de vivre a force de s'analyser, il en vient a ne plus etre sur
de ses propres sentiments; les desirs remuent a peine et s'etiolent, les
passions deviennent circonspectes et douteuses. C'est une periode d'une
de ces equivoques et indecises amours qui donne au livre sa trame.
* * * * *
Par son intrigue encore ce roman est original et se distingue surtout du
_Werther_ et de l'_Obermann_ du commencement de ce siecle.
L'etrange heros de la _Course a la Mort_ n'aime pas, on doute du moins
qu'il aime et se sent douter, interroge sans cesse son pale coeur, ne
sait que resoudre et se resigne a son atonie. Il oscille et hesite; il
est des heures ou les dernieres ondes de son sang, les regards profonds
de celle qui passe dans sa vie, lui font pressentir l'eclosion d'une
forte et douloureuse passion; puis ce qui tressaille en lui s'apaise, il
se disseque, il analyse en lui les derniers fremissements de son ame et
la voit se calmer sous son introspection; puis des paroles ordinaires de
Cecile N..., un geste disgracieux le repoussent et, se souvenant de
l'ancienne theorie de Schopenhauer sur l'amour, il penetre a cette vue
profonde et clairement concue que c'est l'hostilite et non l'attrait qui
regne entre les sexes. De plus douces emotions reviennent, il est
ressaisi par le charme, enlace par l'illusion, il veut vivre, se
redresser, sortir de son suaire, mais il se butte de nouveau, s'arrete,
ebauche un geste de renoncement et medite son impassibilite jusqu'a ce
que la mort de Celine N..., vienne detruire ce vestige d'amour et
resoudre les contradictions de son ame en une longue harmonie de
regrets.
Que l'on observe combien cette nouvelle intrigue a ete pressentie des
jeunes romanciers.
Des livres de M. Huysmans ou l'amour ne joue aucun role, et dont le
dernier analyse un solitaire, a cet admirable roman de M. Albert Pinard,
_Madame X..._ qui est l'histoire de deux etres dont aucun ne peut
subjugu
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