s rarement retraces de l'ancien
caractere francais.
Si l'on ecarte tout ce que ce type a d'ignoble et d'excessif, que l'on
considere l'adresse de ses machinations, ses malices, ses reparties, sa
facon de considerer les femmes, oscillant entre la galanterie et la
mefiance, son scepticisme superficiel, ce sont la autant de facons de
penser francaises. Les cours qui ont faconne notre race, ne l'ont dotee
a l'origine, ni de la roideur de passions des Anglais, ni du mysticisme
allemand. Un esprit plus elastique, plus observateur, plus agile nous a
fait penetrer les dessous ridicules de ce que l'on venere ailleurs. Ni
l'exaltation a propos de questions metaphysiques, ni le respect de la
force ou du droit, n'ont domine en France au point de garantir la
religion, les rois et les juges. Des l'eveil de l'esprit national, le
pouvoir de ces trois etres etait mis en question, mine de plaisanteries
et moralement detruit. Du roman de Renard a Courier, cette besogne de
demolition n'a pas chome.
Mais, apres quelque temps de bataille, les genes un peu elargies,
l'amour du bien-etre, la paresse d'esprit revenaient. On s'etait un peu
emu dans une lutte sans grandes defaites; on s'en va a ses affaires,
sans plus tenir a ses negations, que le voisin a ses affirmations. Et,
au bout de toute cette escrime plus amusante qu'acharnee, celle de
Montaigne et de Voltaire, la question finale qui s'empare de l'esprit
francais, est bien celle de Panurge. "Remede a facherie?" Il faut jouir
de vivre, en gens avises, distraits, prompts d'intelligence. Et alors
viennent les vrais artistes francais, La Fontaine, Watteau, les auteurs,
les vaudevillistes, les chansonniers, tous gens qui cherchent a egayer,
demeurent, ecrivant a point nomme pour les "langoureux malades ou
autrement faschez et desolez."
* * * * *
Aujourd'hui beaucoup de choses ont varie, et la question de Panurge se
pose plus inquietante. Notre vie est devenue douce, mais nos envies ont
grandi en disproportion. Nous sommes accables par la complication des
affaires, les soins d'une lutte pour la vie, plus apre, la conduite
difficile de nos ambitions. Les plaisirs physiques, que nos corps
supportent plus mal et moins longtemps, nous abandonnent, et d'ailleurs
ne nous suffiraient pas. Nos cerveaux sont surmenes par l'enchevetrement
des sciences modernes, la complexite de nos sensations. Nous avons tout
pris a toutes les races. Par une denaturalisation perille
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