s
phenomenes psychologiques, l'eloigne de concevoir des caracteres uns,
individuels et constants, colore et enerve sa langue, attenue ses
fabulations, rend ses livres excitants et fragmentaires. Ajoutez encore
a ces anomalies individuelles d'organisation cerebrale, les caracteres
generaux de toute ame d'artiste et d'ecrivain, la vive sensibilite, le
don plastique du mot expressif, le don dramatique de la coordination des
incidents, l'infinie tenacite de la memoire pour les perceptions de
l'oeil, toutes les multiples conditions qui permettent de realiser cette
chose en apparence si simple, un beau livre. Enfin le possesseur de
cette curieuse intelligence, il faut le figurer jete des sa jeunesse,
avec son frere et son semblable, dans les remous de la vie parisienne,
promenant l'aigu de son observation, la delicate nervosite de son
humeur, dans le monde des petits journaux, des cafes litteraires, des
ateliers, dans les grands salons de l'empire, habitant aujourd'hui une
maison constellee de kakemonos et rosee de sanguines, le cerveau nourri
par une immense et diverse lecture: a la fois erudit, artiste et
voyageur, au fait de l'esprit des boulevards, de celui de Heine et de
celui de Rivarol, instruit des tres hautes speculations de la science,
l'on aura ainsi la vision peut-etre exacte, en ses parties et son tout,
de cet artiste divers, fuyant exquis, spirituel, poignant,
solide,--l'auteur des livres les plus excitants et les plus suggestifs
de cette fin de siecle.
* * * * *
PAGES RETROUVEES[13]
PAR EDMOND ET JULES DE GONCOURT
Dans ce livre M. de Goncourt a reuni ses articles de journal et ceux
qu'il a faits avec son frere. Il suffit de dire que presque toutes ces
_Pages retrouvees_, sont des morceaux de bonne ou de haute litterature,
pour marquer la difference entre les feuilles d'il y a une trentaine
d'annees et celles de la notre. C'etaient en effet des gazettes bizarres
celles ou les Goncourt faisaient paraitre, vers 1852, les chroniques et
les nouvelles qui formerent depuis la _Lorette_, une _Voiture de
masques_ et le present volume. Si l'on feuilletait l'une d'elles, le
_Paris_ de 1852, on verrait un journal quotidien du format du
_Charivari_ publiant tous les jours une lithographie de Gavarni et
encadrant cette gravure d'un texte ecrit parfois par des gens ayant de
la litterature. M. Aurelien Scholl fit la ses debuts; il etait alors
d'un pessimisme furibond et faisait precede
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