in au bord de
la verite, a la rencontre de la grande poesie.
C'est cette intervention de la fantaisie dans le choix des incidents,
cet amour du joli dans les choses et dans les gestes, du mystere pour
certaines scenes et certains personnages, qui finalement caracterise le
mieux l'art de M. de Goncourt. De la les paillettes, l'ingeniosite, le
coloris adouci et pimpant de son style, la frequence des scenes
elegantes et des personnages point abjects, le contournement amoureux de
sa phrase, la gaiete de son humeur, et la tendresse de son emotion. De
la aussi, de son gout du bizarre et du fantastique, les soubresauts de
son recit, la terrible nervosite des derniers chapitres de _La Faustin_
et de _Cherie_, ces agonies atroces, ces scenes nocturnes traitees a
l'eau-forte, ces personnages ambigus et gris, le mystere de certains de
ses devoilements, la richesse barbare de certains de ses interieurs.
M. de Goncourt est comme au confluent de deux esthetiques. Il a garde
beaucoup de sa frequentation de l'ancienne France, de la France de
Diderot et de Mlle de Lespinasse. Mais il a ete conquis aussi par le
romantisme septentrional qui nous a envahis, par Poe, de Quincey, Heine,
par ce que Balzac a innove. De cet amalgame est fait le charme et le
heurt de son oeuvre, ce par quoi elle nous seduit et nous terrifie.
Et maintenant cette analyse terminee, il faut imaginer que le mecanisme
cerebral dont nous avons essaye d'isoler et de montrer les gros rouages,
est vivant et en marche, possede par une creature humaine, constitue en
son engrenement et son travail une unite indivise, la pensee, la raison
et le genie d'un artiste et d'une personne. D'un seul coup, et sans les
distinctions innaturelles que nous avons etablies, M. de Goncourt est a
la fois chercheur de petits faits caracteristiques et precis, frappe par
les aspects mouvementes des etres et des choses, emu par ce qu'il y a
en ces phenomenes de joli, de delicat, de rare, de bizarre, d'un peu
fantastique. Ce penchant reagit sur le choix de ses documents humains,
de ses sujets, de ses personnages; ce souci de l'exactitude le pousse a
donner des visions nettes de mouvements et de jolites; l'habitude de
l'observation, son ouverture d'esprit a tous les phenomenes de la vie,
le garde de tomber dans la mievrerie ou le pessimisme: la recherche
d'emotions delicates le preserve habituellement de s'appliquer a l'etude
des choses basses, des personnages laids ou nuls, limite sa vision de
|