penetrant dans les
livres de M. Huysmans. Mais il est un point qu'il a decouvert:
l'influence du pessimisme sur le gout artistique. Par un choc en retour
imprevu mais legitime, de meme que les spectacles communement tenus pour
beaux deplaisent au melancolique, les spectacles juges laids par les
gens a temperament heureux doivent confirmer l'etat d'ame ou il se
complait, le dispenser de toute negation et de toute revolte, evoquer sa
tristesse et la laisser s'epancher. Le peintre Cyprien n'est a l'aise
que devant certains spectacles douloureux et minables; il prefere "la
tristesse des giroflees sechant dans un pot, au rire ensoleille des
roses ouvertes en pleine terre"; a la Venus de Medicis, "le trottin, le
petit trognon pale, au nez un peu canaille, dont les reins branlent sur
des hanches qui bougent"; formule son ideal de paysage en ces termes:
"Il avouait d'exultantes allegresses, alors qu'assis sur le talus des
remparts, il plongeait au loin ... Dans cette campagne, dont l'epiderme
meurtri se bossele comme de hideuses croutes, dans ces routes ecorchees
ou des trainees de platre semblent la farine detachee d'une peau malade,
il voyait une plaintive accordance avec les douleurs du malheureux,
rentrant de sa fabrique ereinte, suant, moulu, trebuchant sur les
gravats, glissant dans les ornieres, trainant les pieds, etrangle par
des quintes de toux, courbe sous le cinglement de la pluie, sous le
fouet du vent, tirant resigne sur son brule-gueule."
Et sur ce dolent ideal, des Esseintes rencherit encore: "Il ne
s'interessait reellement qu'aux oeuvres mal portantes, minees et
irritees par la fievre" "... se disant que parmi tous ces volumes qu'il
venait de ranger, les oeuvres de Barbey d'Aurevilly etaient encore les
seules dont les idees et le style presentassent ces faisandages, ces
taches morbides, ces epidemies tales, et ce gout blet, qu'il aimait tant
a savourer parmi les ecrivains decadents". Cette phrase est precedee
d'une interessante liste d'auteurs latins de l'agonie de l'empire, et
d'une enumeration d'auteurs francais dans laquelle se coudoient
curieusement des ecrivains catholiques qui n'ont d'interet que pour des
antiquaires en idees et en style, quelques poetes reellement decadents
comme Paul Verlaine dont certains volumes ont les subtilites metriques
et le niais bavardage des derniers hymnographes byzantins, et une bonne
partie de ce que la litterature contemporaine a produit de superieur et
de raffine. En eff
|