et, par une nouvelle contradiction apparente, c'est au
raffinement le plus fastidieusement delicat, qu'aboutit, en fin de
compte, le pessimisme etudie par M. Huysmans, comme un arbuste
souffreteux et effeuille culmine en une radieuse fleur.
M. James Sully a tres exactement marque que le dernier mobile du
pessimisme est le desir que tout soit parfaitement bon, le souci de
choses infiniment meilleures que celles existantes. Aussi, le pessimiste
a-t-il plus de chances que l'optimiste de decouvrir et d'apprecier les
choses exquises, pourvu, qu'elles n'aient pas eveille une admiration
trop generale, qui offusque sa misanthropie. C'est par cette
vulgarisation que des Esseintes s'est detourne des tapis d'Orient et des
eaux-fortes de Rembrandt. Mais, par contre, personne plus que lui n'aura
plus d'audace a se mettre au-dessus du gout public, a aller droit a ce
qui est excellent. De la le raffinement, la recherche, la trouvaille,
l'amour des belles choses inedites, de tout ce qui, dans le domaine
artistique,--plus ouvert a la perfection que la nature parce que plus
inutile,--se rapproche clandestinement de la superiorite absolue,
satisfait certains gouts tres nobles de la nature humaine, lui procure
les plus complexes c'est-a-dire les plus belles emotions esthetiques. Ce
raffinement, _A Rebours_ en est le catechisme et le formulaire; tout ce
qui, dans la realite, peut meurtrir une ame delicate est ecarte de ce
precieux livre, est assourdi, amolli, sublime et assuavi. A
d'imparfaites sensations naturelles sont substitues d'indirects et
subtils artifices. Toutes les realites y deviennent legeres et
flatteuses, depuis le vermeil expirant des cuilleres a the, jusqu'a la
coupe benigne de la coiffe de la domestique, depuis la splendeur
assourdie des ameublements, les gaufrages des tentures, le mysterieux
rayonnement des tableaux, a cette bibliotheque enfermant sous la beaute
des reliures d'inestimables livres a l'exquisite des liqueurs bues, des
parfums inhales, des pensees evoquees et contemplees.
Et de ce sens du raffinement, M. Huysmans tire les dernieres beautes de
son style, qui se trouve joindre ainsi le delicat au populaire. Par la
lecture de certains livres de theologie, de certains volumes de poesie
savante, par de justes inventions, il enrichit et pare son langage, de
vocables assoupis, longuement harmonieux et doux; il les sertit et les
associe en de lentes phrases, qui joignent le poli soyeux des mots, a la
suavite de l
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