hair et a railler dans les objets et les etres ce
qu'ils peuvent avoir de laid, d'odieux et d'imparfait. Enfin, par un
juste retour, de cette vision du defectueux, a la suite d'une
elimination extremement rigoureuse de tout dechet et de toute tare, M.
Huysmans acquiert l'acere discernement et l'intense jouissance des
choses superieurement belles et rares, le raffinement, qui, comme la
pointe d'un cone, concentre, termine et raccorde toutes les lignes de
son organisation intellectuelle.
Et toutes ces proprietes cachees d'une ame muette, se manifestent en ce
corps des intelligences litteraires, le style. Il s'enrichit et
s'affermit au contact de la realite, se colore, s'inflechit et s'agite,
pour rendre l'infinie complexite de delicates visions, s'irrite et
s'enerve devant certains spectacles detestes, se subtilise, s'adoucit
et s'enrichit encore, devient opulent et onctueux pour rendre la grace
resplendissante d'une certaine beaute superieure, extraite et sublimee.
Dans les reactions et les melanges de toutes ces energies et ces
capacites, dans leur ajustement et leur coordination, reside, il me
semble, la physionomie intime d'un des jeunes artistes les plus
originaux de notre temps. Il me parait que M. Huysmans, par son dernier
livre surtout, a donne plus que des promesses de talent; on peut
legitimement compter, sans illusion amicale, que ses travaux aideront a
maintenir et a exalter l'excellence actuelle de notre ecole litteraire.
LA COURSE DE LA MORT[15]
Un roman parait qui, s'ecartant des nombreuses oeuvres imitees des
esthetiques admises, est original par le cas psychologique qu'il etudie
et inaugure, avec les quelques livres marquants de ceux qui debutent, un
nouveau style et un nouvel art. On n'en parle guere et cependant cette
oeuvre est encore un indice, a l'heure actuelle, de l'etat d'esprit
d'une partie des jeunes gens, de leurs voeux artistiques et du but
auquel ils vont. La _Course a la Mort!_ le nouveau roman de M. Edouard
Rod, est ce livre a la fois singulier et actuel, degage des anciennes
modes et decrivant, en de penetrantes analyses, la phase la plus recente
du mal et de la passion de ce siecle: le pessimisme.
Ecrite comme une autobiographie, en une serie de notes eparses que relie
a peine un recit d'amour tenu et bizarre, la _Course a la Mort_ est
l'histoire d'un jeune homme en qui le pessimisme latent de cette
epoque, portant ses dernieres atteintes, devient ressenti et raisonne,
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