generale; tous ces traits resultent du verbalisme fondamental de son
intelligence. Son immense gloire de poete national peut etre expliquee
de meme.
M. Hugo est en communion avec la foule, parce qu'il en epouse les idees
et en redit, en termes magnifiques, les aspirations. Coutumier comme
elle de ne point creuser les dessous des choses, de croire tout uniment
qu'il y a des braves gens et des coquins, que tous les hommes sont
freres et tous les pres fleuris, que les oiseaux chanteurs celebrent
l'Eternel, que les morts vont dans un monde meilleur, et que la
Providence s'occupe de chacun, ralliant les disserteurs de politique par
son adoration de quatre-vingt-neuf, les meres par son amour des enfants,
les ouvriers par sa philanthropie et son humanitarisme, ne choquant en
politique que les aristocrates, en litterature que les realistes et en
philosophie que les positivistes, trois partis peu nombreux, M. Hugo est
d'accord avec toutes les intelligences moyennes, qu'il eblouit, en
outre, par l'admirable, neuve, et persuasive facon dont il exprime leur
pensee. Enfin, et par une cause plus profonde, M. Hugo est d'esprit
essentiellement francais. Par son habitude de penser des mots et non des
objets, de ne point dissequer les ames et de ne point montrer les
choses, il est par excellence du pays du spiritualisme cartesien, du
theatre classique et de la peinture d'academie. Il y a joui de l'enorme
bonheur de ne differer de ses contemporains et de ses compatriotes que
par la forme ou il a jete des idees traditionnellement nationales. Cette
innovation est a la fois glorieuse et pardonnable. L'inverse ne l'est
point, comme le demontre l'impopularite de l'_Education sentimentale_,
de la _Tentation de saint Antoine_, des oeuvres de Stendhal et de
Baudelaire.
Ici notre etude finit. D'une oeuvre infiniment complexe, dont les
proprietes saillantes ont ete resumees en exemples, nous avons extrait
quelques caracteres generaux, ceux-ci ont ete repris en un couple fort
clair et fort simple de tendances universelles; celles-ci en un fait
psychologique absolument net. Il ne faut pas que cette explication qui,
comme tous les principes, parait moindre que les effets causes, fasse
illusion sur la beaute et la grandeur de l'oeuvre de M. Hugo. A
l'intersection de deux lignes on mesure aisement leur angle; mais que
ces cotes soient prolonges a l'infini, ils comprendront l'infini. De
meme l'oeuvre de M. Hugo, dont nous avons resume en quelques mots
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