e seins mysterieux, des bras pudiques, une chevelure denouee
dans de l'aurore, des hanches ineffables modelees en paleur"; la
description des halliers sombres, ces "lieux scelerats" d'ou les chouans
fusillaient les "bleus", et dans l'_Homme qui rit_, ce merveilleux
tableau de la baie de Portland par un crepuscule d'hiver, ou les cotes
blafardes se profilent en contours lineaires, puis encore l'enterrement
de Hardquannone, emporte silencieusement a la brune, le glas toquant a
coups espaces et discords, et cette molle nuit grise ou Gwynplaine, dans
l'amertume de son coeur, suit les quais gluants de la Tamise, portant le
sourd desir de se suicider; M. Hugo apparaitra comme le poete des choses
sombres, en qui se repercute et se magnifie tout ce que les hommes
apprehendent et redoutent.
Que l'on ajoute encore a toutes ces scenes certains portraits pleins
d'ombre et de reticence, dont le plus grand exemple est la silhouette
bizarre, sacerdotale et scelerate du docteur Geestemunde, certains
ensembles brouilles et confus, la perception subtile du trouble d'une
societe a la veille d'une emeute, de cet instant des batailles ou tout
oscille:
La ligne de bataille flotte et serpente comme un fil, les trainees
de sang ruissellent illogiquement, les fronts des armees ondoient,
les regiments entrant ou sortant, font des caps ou des golfes, tous
ces ecueils remuent continuellement les uns devant les autres ...
les eclaircies se deplacent; les plis sombres avancent et reculent;
une sorte de vent du sepulcre pousse, refoule, enfle et disperse
ces multitudes tragiques....
Enfin que l'on considere cette tendance poussee a bout, que l'on fasse
l'enumeration de tous ces poemes douteux ou M. Hugo tente d'eteindre
l'inconnu, de ses questions oiseuses sur les tenebres metaphysiques, de
ses constants efforts a definir l'incertain des problemes historiques,
sociaux, moraux et religieux, de son abus de l'obscurite, de ses appels
a une intervention divine, et de sa vision de l'inexplicable dans les
plus claires choses; il nous semble que la demonstration est suffisante.
S'il est un domaine ou M. Hugo soit a la fois frequent et magnifique,
c'est celui du mysterieux, du cache, du crepusculaire, du nocturne. S'il
est par excellence celui qui ne sait point voir les choses reelles, il
est le familier de leur envers, des terreurs, des apprehensions et du
trouble, des fantasmagories et des imaginations, dont les homm
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