etait menteur. Mais pourtant,
examinez comme tous les princes issus du grand Henri chassent de
race!
-- Allons, allons, d'Artagnan, dit Athos, les rois de France
avares? Vous etes fou, mon ami.
-- Oh! vous ne convenez jamais des defauts d'autrui, vous qui etes
parfait. Mais, en realite, Henri IV etait avare, Louis XIII, son
fils, l'etait aussi; nous en savons quelque chose, n'est-ce pas?
Gaston poussait ce vice a l'exageration, et s'est fait sous ce
rapport detester de tout ce qui l'entourait. Henriette, pauvre
femme! a bien fait d'etre avare, elle qui ne mangeait pas tous les
jours et ne se chauffait pas tous les ans; et c'est un exemple
qu'elle a donne a son fils Charles deuxieme, petit-fils du grand
Henri IV, avare comme sa mere et comme son grand-pere. Voyons, ai-
je bien deduit la genealogie des avares?
-- D'Artagnan, mon ami, s'ecria Athos, vous etes bien rude pour
cette race d'aigles qu'on appelle les Bourbons.
-- Et j'oubliais le plus beau!... l'autre petit-fils du Bearnais,
Louis quatorzieme, mon ex-maitre. Mais j'espere qu'il est avare,
celui-la, qui n'a pas voulu preter un million a son frere Charles!
Bon! je vois que vous vous fachez. Nous voila, par bonheur, pres
de ma maison, ou plutot pres de celle de mon ami M. Monck.
-- Cher d'Artagnan, vous ne me fachez point, vous m'attristez; il
est cruel, en effet, de voir un homme de votre merite a cote de la
position que ses services lui eussent du acquerir; il me semble
que votre nom, cher ami, est aussi radieux que les plus beaux noms
de guerre et de diplomatie. Dites-moi si les Luynes, si les
Bellegarde et les Bassompierre ont merite comme nous la fortune et
les honneurs; vous avez raison, cent fois raison, mon ami.
D'Artagnan soupira, et precedant son ami sous le porche de la
maison que Monck habitait au fond de la Cite:
-- Permettez, dit-il, que je laisse chez moi ma bourse; car si,
dans la foule, ces adroits filous de Londres, qui nous sont fort
vantes, meme a Paris, me volaient le reste de mes pauvres ecus, je
ne pourrais plus retourner en France. Or, content je suis parti de
France et fou de joie j'y retourne, attendu que toutes mes
preventions d'autrefois contre l'Angleterre me sont revenues,
accompagnees de beaucoup d'autres.
Athos ne repondit rien.
-- Ainsi donc, cher ami, lui dit d'Artagnan, une seconde et je
vous suis. Je sais bien que vous etes presse d'aller la-bas
recevoir vos recompenses; mais, croyez-le bien, je ne suis pas
|