hasard cette couronne oscillait un peu, car il y a parfois des
tremblements de trone, comme il y a des tremblements de terre,
chaque fois, dis-je, que la rebellion menacait, une bonne victoire
ramenait la tranquillite.
-- Avec quelques fleurons de plus a la couronne, dit Mazarin.
Le comte de Guiche se tut; le roi composa son visage, et Mazarin
echangea un regard avec Anne d'Autriche comme pour la remercier de
son intervention.
-- Il n'importe, dit Philippe en lissant ses cheveux, mon cousin
Charles n'est pas beau, mais il est tres brave et s'est battu
comme un reitre, et s'il continue a se battre ainsi, nul doute
qu'il ne finisse par gagner une bataille!... comme Rocroy...
-- Il n'a pas de soldats, interrompit le chevalier de Lorraine.
-- Le roi de Hollande, son allie, lui en donnera. Moi, je lui en
eusse bien donne, si j'eusse ete roi de France.
Louis XIV rougit excessivement.
Mazarin affecta de regarder son jeu avec plus d'attention que
jamais.
-- A l'heure qu'il est, reprit le comte de Guiche, la fortune de
ce malheureux prince est accomplie. S'il a ete trompe par Monck,
il est perdu. La prison, la mort peut-etre, finiront ce que
l'exil, les batailles et les privations avaient commence.
Mazarin fronca le sourcil.
-- Est-il bien sur, dit Louis XIV, que Sa Majeste Charles II ait
quitte La Haye?
-- Tres sur, Votre Majeste, repliqua le jeune homme. Mon pere a
recu une lettre qui lui donne des details; on sait meme que le roi
a debarque a Douvres; des pecheurs l'ont vu entrer dans le port;
le reste est encore un mystere.
-- Je voudrais bien savoir le reste, dit impetueusement Philippe.
Vous savez, vous, mon frere?
Louis XIV rougit encore. C'etait la troisieme fois depuis une
heure.
-- Demandez a M. le cardinal, repliqua-t-il d'un ton qui fit lever
les yeux a Mazarin, a Anne d'Autriche, a tout le monde.
-- Ce qui veut dire, mon fils, interrompit en riant Anne
d'Autriche, que le roi n'aime pas qu'on cause des choses de l'Etat
hors du conseil.
Philippe accepta de bonne volonte la mercuriale et fit un grand
salut, tout en souriant a son frere d'abord, puis a sa mere. Mais
Mazarin vit du coin de l'oeil qu'un groupe allait se reformer dans
un angle de la chambre, et que le duc d'Orleans avec le comte de
Guiche et le chevalier de Lorraine, prives de s'expliquer tout
haut, pourraient bien tout bas en dire plus qu'il n'etait
necessaire. Il commencait donc a leur lancer des oeillades pleines
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