histoire naturelle; car enfin, vous
comprenez, ce serait pour faire crever de rire tous vos ennemis,
et vous etes si grand, si noble, si genereux, que vous devez en
avoir beaucoup. Ce secret pourrait faire crever de rire la moitie
du genre humain si l'on vous representait dans cette boite. Or, il
n'est pas decent que l'on rie ainsi du second personnage de ce
royaume.
Monck perdit tout a fait contenance a l'idee de se voir represente
dans sa boite.
Le ridicule, comme l'avait judicieusement prevu d'Artagnan,
faisait sur lui ce que ni les hasards de la guerre, ni les desirs
de l'ambition, ni la crainte de la mort n'avaient pu faire.
"Bon! pensa le Gascon, il a peur; je suis sauve."
-- Oh! quant au roi, dit Monck, ne craignez rien, cher monsieur
d'Artagnan, le roi ne plaisantera pas avec Monck, je vous jure!
L'eclair de ses yeux fut intercepte au passage par d'Artagnan.
Monck se radoucit aussitot.
-- Le roi, continua-t-il, est d'un trop noble naturel, le roi a un
coeur trop haut place pour vouloir du mal a qui lui fait du bien.
-- Oh! certainement s'ecria d'Artagnan. Je suis entierement de
votre opinion sur le coeur du roi, mais non sur sa tete; il est
bon, mais il est leger.
-- Le roi ne sera pas leger avec Monck, soyez tranquille.
-- Ainsi, vous etes tranquille, vous, milord?
-- De ce cote du moins, oui, parfaitement.
-- Oh! je vous comprends, vous etes tranquille du cote du roi.
-- Je vous l'ai dit.
-- Mais vous n'etes pas aussi tranquille du mien?
-- Je croyais vous avoir affirme que je croyais a votre loyaute et
a votre discretion.
-- Sans doute, sans doute; mais vous reflechirez a une chose...
-- A laquelle?...
-- C'est que je ne suis pas seul, c'est que j'ai des compagnons;
et quels compagnons!
-- Oh! oui, je les connais.
-- Malheureusement, milord, et ils vous connaissent aussi.
-- Eh bien?
-- Eh bien! ils sont la-bas, a Boulogne, ils m'attendent.
-- Et vous craignez...?
-- Oui, je crains qu'en mon absence... Parbleu! Si j'etais pres
d'eux, je repondrais bien de leur silence.
-- Avais-je raison de vous dire que le danger, s'il y avait
danger, ne viendrait pas de Sa Majeste, quelque peu disposee
qu'elle soit a la plaisanterie, mais de vos compagnons, comme vous
dites... Etre raille par un roi, c'est tolerable encore, mais par
des goujats d'armee... Goddam!
-- Oui, je comprends, c'est insupportable; et voila pourquoi,
milord, je venais vous dire: "Ne croyez-v
|