-- Ou l'on voit que l'epicier francais s'etait
deja rehabilite au XVIIeme siecle
Une fois ses comptes regles et ses recommandations faites,
d'Artagnan ne songea plus qu'a regagner Paris le plus promptement
possible. Athos, de son cote, avait hate de regagner sa maison et
de s'y reposer un peu. Si entiers que soient restes le caractere
et l'homme, apres les fatigues du voyage, le voyageur s'apercoit
avec plaisir, a la fin du jour, meme quand le jour a ete beau, que
la nuit va venir apporter un peu de sommeil. Aussi, de Boulogne a
Paris, chevauchant cote a cote, les deux amis, quelque peu
absorbes dans leurs pensees individuelles, ne causerent-ils pas de
choses assez interessantes pour que nous en instruisions le
lecteur: chacun d'eux, livre a ses reflexions personnelles, et se
construisant l'avenir a sa facon, s'occupa surtout d'abreger la
distance par la vitesse. Athos et d'Artagnan arriverent le soir du
quatrieme jour, apres leur depart de Boulogne, aux barrieres de
Paris.
-- Ou allez-vous, mon cher ami? demanda Athos. Moi, je me dirige
droit vers mon hotel.
-- Et moi tout droit chez mon associe.
-- Chez Planchet?
-- Mon Dieu, oui: au Pilon-d'Or.
-- N'est-il pas bien entendu que nous nous reverrons?
-- Si vous restez a Paris, oui; car j'y reste, moi.
-- Non. Apres avoir embrasse Raoul, a qui j'ai fait donner rendez-
vous chez moi, dans l'hotel, je pars immediatement pour La Fere.
-- Eh bien! adieu, alors, cher et parfait ami.
-- Au revoir plutot, car enfin je ne sais pas pourquoi vous ne
viendriez pas habiter avec moi a Blois. Vous voila libre, vous
voila riche; je vous acheterai, si vous voulez, un beau bien dans
les environs de Cheverny ou dans ceux de Bracieux. D'un cote, vous
aurez les plus beaux bois du monde, qui vont rejoindre ceux de
Chambord; de l'autre, des marais admirables. Vous qui aimez la
chasse, et qui, bon gre mal gre, etes poete, cher ami, vous
trouverez des faisans, des rales et des sarcelles, sans compter
des couchers de soleil et des promenades en bateau a faire rever
Nemrod et Apollon eux-memes. En attendant l'acquisition, vous
habiterez La Fere, et nous irons voler la pie dans les vignes,
comme faisait le roi Louis XIII. C'est un sage plaisir pour des
vieux comme nous.
D'Artagnan prit les mains d'Athos.
-- Cher comte, lui dit-il, je ne vous dis ni oui ni non. Laissez-
moi passer a Paris le temps indispensable pour regler toutes mes
affaires et m'accoutumer peu a p
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