t encore trop court pour moi... Je
cherche toujours un titre qui l'allonge... J'aimerais a vous voir
si pres de mon trone que je pusse vous dire, comme a Louis XIV:
Mon frere. Oh! j'y suis, et vous serez presque mon frere, car je
vous fais vice-roi d'Irlande et d'Ecosse, mon cher duc... De cette
facon, desormais, je ne me tromperai plus.
Le duc saisit la main du roi, mais sans enthousiasme, sans joie,
comme il faisait toute chose. Cependant son coeur avait ete remue
par cette derniere faveur. Charles, en menageant habilement sa
generosite, avait laisse au duc le temps de desirer... quoiqu'il
n'eut pu desirer autant qu'on lui donnait.
-- Mordioux! grommela d'Artagnan, voila l'averse qui recommence.
Oh! c'est a en perdre la cervelle.
Et il se tourna d'un air si contrit et si comiquement piteux, que
le roi ne put retenir un sourire. Monck se preparait a quitter le
cabinet pour prendre conge de Charles.
-- Eh bien! quoi! mon feal, dit le roi au duc, vous partez?
-- S'il plait a Votre Majeste; car, en verite, je suis bien las...
L'emotion de la journee m'a extenue: j'ai besoin de repos.
-- Mais, dit le roi, vous ne partez pas sans M. d'Artagnan,
j'espere!
-- Pourquoi, Sire? dit le vieux guerrier.
-- Mais, dit le roi, vous le savez bien, pourquoi.
Monck regarda Charles avec etonnement.
-- J'en demande bien pardon a Votre Majeste, dit-il, je ne sais
pas... ce qu'elle veut dire.
-- Oh! c'est possible; mais si vous oubliez, vous, M. d'Artagnan
n'oublie pas.
L'etonnement se peignit sur le visage du mousquetaire.
-- Voyons, duc, dit le roi, n'etes-vous pas loge avec
M. d'Artagnan?
-- J'ai l'honneur d'offrir un logement a M. d'Artagnan, oui, Sire.
-- Cette idee vous est venue de vous-meme et a vous seul?
-- De moi-meme et a moi seul, oui, Sire.
-- Eh bien! mais il n'en pouvait etre differemment... Le
prisonnier est toujours au logis de son vainqueur.
Monck rougit a son tour.
-- Ah! c'est vrai, je suis prisonnier de M. d'Artagnan.
-- Sans doute, Monck, puisque vous ne vous etes pas encore
rachete; mais ne vous inquietez pas, c'est moi qui vous ai arrache
a M. d'Artagnan, c'est moi qui paierai votre rancon.
Les yeux de d'Artagnan reprirent leur gaiete et leur brillant; le
Gascon commencait a comprendre. Charles s'avanca vers lui.
-- Le general, dit-il, n'est pas riche et ne pourrait vous payer
ce qu'il vaut. Moi, je suis plus riche certainement; mais a
present que le voila duc, et s
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