s les poches d'un larron quelconque.
Le meilleur moyen que trouva le Gascon, ce fut d'enfermer son
tresor momentanement sous des serrures assez solides pour que nul
poignet ne les brisat, assez compliquees pour que nulle clef
banale ne les ouvrit.
D'Artagnan se souvint que les Anglais sont passes maitres en
mecanique et en industrie conservatrice; il resolut d'aller des le
lendemain a la recherche d'un mecanicien qui lui vendit un coffre-
fort. Il n'alla pas bien loin. Le sieur Will Jobson, domicilie
dans Piccadilly, ecouta ses propositions, comprit ses desastres,
et lui promit de confectionner une serrure de surete qui le
delivrat de toute crainte pour l'avenir.
-- Je vous donnerai, dit-il, un mecanisme tout nouveau. A la
premiere tentative un peu serieuse faite sur votre serrure, une
plaque invisible s'ouvrira, un petit canon egalement invisible
vomira un joli boulet de cuivre du poids d'un marc, qui jettera
bas le maladroit, non sans un bruit notable. Qu'en pensez-vous?
-- Je dis que c'est vraiment ingenieux, s'ecria d'Artagnan; le
petit boulet de cuivre me plait veritablement. Ca, monsieur le
mecanicien, les conditions?
-- Quinze jours pour l'execution, et quinze mille livres payables
a la livraison, repondit l'artiste.
D'Artagnan fronca le sourcil. Quinze jours etaient un delai
suffisant pour que tous les filous de Londres eussent fait
disparaitre chez lui la necessite d'un coffre-fort. Quant aux
quinze mille livres, c'etait payer bien cher ce qu'un peu de
vigilance lui procurerait pour rien.
-- Je reflechirai, fit-il; merci, monsieur.
Et il retourna chez lui au pas de course; personne n'avait encore
approche du tresor.
Le jour meme, Athos vint rendre visite a son ami et le trouva
soucieux au point qu'il lui en manifesta sa surprise.
-- Comment! vous voila riche, dit-il, et pas gai! vous qui
desiriez tant la richesse...
-- Mon ami, les plaisirs auxquels on n'est pas habitue genent plus
que les chagrins dont on avait l'habitude. Un avis, s'il vous
plait. Je puis vous demander cela, a vous qui avez toujours eu de
l'argent: quand on a de l'argent, qu'en fait-on?
-- Cela depend.
-- Qu'avez-vous fait du votre, pour qu'il ne fit de vous ni un
avare ni un prodigue? Car l'avarice desseche le coeur, et la
prodigalite le noie... n'est-ce pas?
-- Fabricius ne dirait pas plus juste. Mais, en verite, mon argent
ne m'a jamais gene.
-- Voyons, le placez-vous sur les rentes?
-- Non; vous savez
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