James,
entre neuf et onze heures.
Je suis avec respect, monsieur le comte, de Votre Honneur, Le tres
humble et tres obeissant serviteur, Parry."
-- Vous le voyez, mon cher d'Artagnan, dit Athos, il ne faut pas
desesperer du coeur des rois.
-- N'en desesperez pas, vous avez raison, repartit d'Artagnan.
-- Oh! cher, bien cher ami, reprit Athos, a qui l'imperceptible
amertume de d'Artagnan n'avait pas echappe, pardon. Aurais-je
blesse, sans le vouloir, mon meilleur camarade?
-- Vous etes fou, Athos, et la preuve, c'est que je vais vous
conduire jusqu'au chateau, jusqu'a la porte, s'entend; cela me
promenera.
-- Vous entrerez avec moi, mon ami, je veux dire a Sa Majeste...
-- Allons donc! repliqua d'Artagnan avec une fierte vraie et pure
de tout melange, s'il est quelque chose de pire que de mendier
soi-meme, c'est de faire mendier par les autres.
-- Ca! partons, mon ami, la promenade sera charmante; je veux, en
passant, vous montrer la maison de M. Monck, qui m'a retire chez
lui: une belle maison, ma foi! Etre general en Angleterre rapporte
plus que d'etre marechal en France, savez-vous?
Athos se laissa emmener, tout triste de cette gaiete qu'affectait
d'Artagnan.
Toute la ville etait dans l'allegresse; les deux amis se
heurtaient a chaque moment contre des enthousiastes, qui leur
demandaient dans leur ivresse de crier: "Vive le bon roi
Charles!". D'Artagnan repondait par un grognement, et Athos par un
sourire. Ils arriverent ainsi jusqu'a la maison de Monck, devant
laquelle, comme nous l'avons dit, il fallait passer, en effet,
pour se rendre au palais de Saint-James.
Athos et d'Artagnan parlerent peu durant la route, par cela meme
qu'ils eussent eu sans doute trop de choses a se dire s'ils
eussent parle. Athos pensait que, parlant, il semblerait temoigner
de la joie, et que cette joie pourrait blesser d'Artagnan. Celui-
ci, de son cote, craignait, en parlant, de laisser percer une
aigreur qui le rendrait genant pour Athos.
C'etait une singuliere emulation de silence entre le contentement
et la mauvaise humeur. D'Artagnan ceda le premier a cette
demangeaison qu'il eprouvait d'habitude a l'extremite de la
langue.
-- Vous rappelez-vous, Athos, dit-il, le passage des Memoires de
d'Aubigne, dans lequel ce devoue serviteur, gascon comme moi,
pauvre comme moi, et j'allais presque dire brave comme moi,
raconte les ladreries de Henri IV? Mon pere m'a toujours dit, je
m'en souviens, que M. d'Aubigne
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