ais des jardins dans la terre humide.
En ce jour de printemps, elle prit un chemin inaccoutume, suivit des
rues encombrees de passants et de voitures, bordees de boutiques ou
s'etalaient des objets innombrables et divers, dont j'admirais les
formes sans en concevoir l'usage. Les pharmacies surtout m'etonnaient
par la grandeur et l'eclat de leurs bocaux. Quelques-unes de ces
boutiques etaient peuplees de grandes statues peintes et dorees. Je
demandai:
"Quoi c'est, m'ame Mathias?"
Et Mme Mathias me repondit avec la fermete d'une citoyenne nourrie dans
les faubourgs de Paris:
"C'est rien, c'est des bons dieux."
Ainsi, dans ma tendre enfance, tandis que ma mere m'inclinait doucement
au culte des images, Mme Mathias m'enseignait a mepriser la
superstition. De la voie etroite ou nous etions, une grande place
plantee de petits arbres m'apparut soudain. Je la reconnus et il me
souvint de ma bonne Nanette en revoyant ce pavillon etrange ou des
pretres de pierre sont assis, les pieds dans la vasque d'une fontaine.
C'est avec Nanette que, dans des temps vagues et d'incertaine memoire,
j'avais visite ces choses. En les revoyant, je fus saisi du regret de
Nanette perdue. J'eus envie de courir en pleurant et en criant:
"Nanette!" Mais soit faiblesse d'ame, soit delicatesse obscure du coeur,
soit debilite d'esprit, je ne parlai point de Nanette a Mme Mathias.
Nous traversames la place et nous nous engageames dans des ruelles aux
paves pointus, qu'une grande eglise recouvrait de son ombre humide. Sur
les portails ornes de pyramides et de boules moussues, ca et la une
statue faisait un grand geste en l'air et des couples de pigeons
s'envolaient devant nous.
Ayant contourne la grande eglise, nous primes une rue bordee de porches
sculptes et de vieux murs au-dessus desquels les acacias penchaient
leurs branches fleuries. Il y avait, a gauche, dans une encoignure, une
echoppe vitree avec cette enseigne: Ecrivain public. Des lettres et des
enveloppes etaient collees sur tous les carreaux. Du toit de zinc
sortait un tuyau de cheminee coiffe d'un grand chapeau. Mme Mathias
tourna le bec de canne et, me poussant devant elle, entra dans
l'echoppe. Un vieillard, courbe sur une table, leva la tete a notre vue.
Des favoris en fer a cheval bordaient ses joues roses. Ses cheveux
blancs s'enlevaient sur son front comme dans un coup de vent orageux. Sa
redingote noire etait par endroits blanchie et luisante. Il portait un
bouquet de vi
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