ans, etant a Paris, je recus la visite d'un Arabe que
j'avais connu l'annee precedente a Mascate ou j'avais ete envoye en
mission par le gouvernement. C'etait un fort bel homme et un lettre. Il
avait une intelligence assez vive, mais entierement fermee a tout ce qui
n'etait point le genie de sa race. Il n'y a dans tout l'Orient que les
Armeniens qui soient aptes a comprendre les idees europeennes. Les Turcs
n'en sont pas capables; les Arabes, encore moins. Celui-ci, qui m'avait
recu magnifiquement dans sa maison de Mascate, etait l'homme le plus
joli, le plus discret, le plus ceremonieux qu'il fut possible de
rencontrer. Je vous ai dit que c'etait un lettre. Il s'occupait surtout
d'histoire. Je crois que c'etait l'esprit le plus cultive de Mascate. Il
avait a peu pres autant de philosophie que notre Froissart. Je le
compare volontiers a Froissart parce que l'Arabe actuel ressemble assez
par la puerilite chevaleresque a nos seigneurs du XIVe siecle. Il se
nommait Djeber-ben-Hamsa. Il m'expliqua avec une politesse parfaite ce
qu'il attendait de moi. Il venait en Europe etudier les moeurs des
Occidentaux, et commencait par la France, qui l'interessait plus que
toute autre nation, comme ayant manifeste avec un eclat incomparable sa
puissance et sa justice en Orient. Il comptait visiter ensuite
l'Angleterre et l'Allemagne. C'est la meilleure societe qu'il desirait
voir. Et il venait me demander que je lui fisse la faveur de le
presenter dans les salons les mieux frequentes de Paris. Je le lui
promis bien volontiers. Il y avait alors a Paris une societe charmante.
Le souvenir d'y avoir ete mele fait encore aujourd'hui la douceur de ma
vie. Vous ne pouvez imaginer ce qu'etait l'art de la conversation a
cette epoque lointaine. Il est vrai que Djeber-ben-Hamsa ne pouvait
jouir en aucune maniere du plaisir d'entendre M. Guizot ou M. de
Remusat, Mme *** et Mme ***. Il comprenait bien l'anglais. C'est une
langue assez familiere aux Arabes de l'Oman, depuis l'etablissement des
Anglais a Aden. Mais il ne savait pas vingt mots de francais. Aussi
pris-je soin de le conduire de preference dans les bals et dans les
concerts. On dansait beaucoup alors et l'on voyait un grand nombre de
femmes admirablement belles. Je le menai dans les bals les plus
brillants de la saison, chez Mme X ..., chez Mme Y ..., chez Mme Z ...
La beaute de ses traits, la gravite de son maintien, le geste gracieux
par lequel il portait sa main a sa tete et a ses levr
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