it nombreuse et toute guerriere. Chaque enfant male recevait
des sa naissance, sur le tresor du calife, la paye d'un soldat en
campagne. La garnison, composee de soldats tres farouches, faisait des
sorties frequentes.
Un jour, les trois fils de Mme d'Eppes, tandis qu'ils chevauchaient a
quelque distance du chateau de Bersabee, furent surpris par une troupe
de cavaliers sarrasins, et, malgre leur resistance opiniatre, ils furent
pris et conduits au Caire.
Le calife s'y trouvait alors. Ayant appris que les trois prisonniers
chretiens etaient d'une extraordinaire beaute, il fut curieux de les
voir et il les fit amener dans le jardin ou il prenait le frais, sous
des buissons de roses, au murmure des fontaines. Les fils de Mme d'Eppes
passaient de toute la tete les turbans de leurs gardiens; leurs epaules
etaient tres larges, et le calife reconnut qu'on lui avait fait un
rapport fidele. Voulant s'assurer s'ils avaient autant d'esprit que de
beaute, il leur posa plusieurs questions auxquelles ils repondirent avec
une sagesse et une modestie dont il fut charme. Mais il n'en laissa rien
paraitre; il affecta au contraire de renvoyer les prisonniers avec
dedain et il ordonna qu'ils fussent enchaines dans un cachot obscur.
Son dessein etait de les reduire, par de mauvais traitements, a abjurer
la religion du Christ et a embrasser le culte de l'idole Mahom, auquel
il etait attache comme sont tous les Sarrasins. C'est pourquoi il fit
enchainer les trois chevaliers dans un cachot sur lequel passait le
fleuve Nil.
Puis il leur fit dire par un de ses vizirs qu'il leur donnerait un
palais avec des jardins, des armes precieuses, un cheval syrien tout
selle et des esclaves tres belles, jouant de la guitare, s'ils
consentaient a adorer l'idole Mahom.
Certains des voyageurs, qui ont ete interroges, affirment que les
mecreants Sarrasins n'elevent point de figures a la ressemblance de
Mahom. S'ils disent vrai, il faut entendre que le calife fit des
promesses aux chevaliers a condition d'obeir a la loi de Mahom, et cela
ne change rien a la verite du recit.
Quand le vizir eut dit ce que le calife offrait, et a quelles
conditions, le chevalier d'Eppes songea aux jardins pleins d'eaux vives
et soupira; le chevalier de Marchais songea aux belles esclaves et
demeura reveur; le chevalier aux armes blanches songea au cheval syrien
et aux lames de Damas, et un grand cri jaillit comme une flamme de sa
poitrine. Mais tous trois repousserent
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