stiaux.
On repand aussi l'eau de cette fontaine sur la tete des boeufs qui ont
ete gueris par l'intercession de saint Cornely. Ce saint est a ce point
favorable aux troupeaux, qu'on lui amene parfois, la nuit, des boeufs en
procession. Comme le dieu rustique dont il a pris la place, il recoit
des victimes; on lui offre des vaches, mais on ne les immole pas. Elles
sont vendues au profit de l'eglise. La fabrique vend aussi les attaches
qui ont servi a conduire les victimes a l'autel; et c'est une croyance
que les bestiaux mis a l'attache avec ces cordes ne perissent point de
maladie. Aussi bien fallait-il a ces bouviers avares et pauvres un
veterinaire celeste.
Le tumulus sur lequel vous etes monte offre un autre temoignage de la
piete bretonne. Les apotres d'Armorique ont sanctifie ce tertre en
elevant sur le faite une chapelle a saint Michel-Archange, qui lance et
retint la foudre et se plait sur les hauts lieux. Les femmes de marins
viennent dans cette chapelle prier l'archange de preserver leur mari du
peril de la mer. Chaque annee, dans la nuit du 23 juin, les gars du pays
y allument, en poussant des cris de joie, le feu de la Saint-Jean,
auquel d'autres feux repondent de toutes les hauteurs voisines. Et il
est croyable que cette coutume remonte a une fabuleuse antiquite.
Ces petites buttes, visibles a vos pieds maintenant que le soleil, deja
bas, en prolonge les ombres, ce sont les Bossenno, bosses semees entre
les pierres de l'Ocean. On raconte qu'elles recouvrent un monastere de
moines rouges. Il s'y commit, dit-on, de telles abominations que le ciel
et la terre ne purent les souffrir. Le moustier perit en une nuit,
devore par les flammes.
Encore aujourd'hui, le lieu ou sont ensevelis les moines rouges est mal
fame. Dans l'ombre du soir, des flammes s'allument sur les buttes, et
l'on entend des voix qui parlent une langue inconnue aux chretiens. On a
fouille les Bossenno. Un archeologue anglais, M. Milne, y a porte la
pioche, et il a decouvert, en effet, des murs portant encore des traces
d'incendie. Mais ce ne sont pas les murs d'un monastere. Les Bossenno
recouvrent une villa gallo-romaine qui etait etablie la, au bout du
monde connu, avec ses murs de pierre et de brique, ses chambres peintes
de vives couleurs, sa metairie, ses bains et son temple, telle enfin que
Columelle decrit une villa romaine. L'art de Pompei se retrouve sur ces
enduits de stuc, ou sont tracees des grecques et des guirlandes, et sur
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