lui assura, par un rare privilege, au milieu de la Revolution, l'amour
et le respect de ses anciens vassaux. En echange des titres qu'un decret
de l'Assemblee Nationale lui avait otes, il recut celui de commandant de
la garde nationale de Vernon. Trois ans plus tard, le 20 septembre 1792,
la municipalite de la petite ville se rendit a Bizi et y planta un arbre
de la Liberte auquel cette inscription fut suspendue: "Hommage a la
vertu."
Cependant le pauvre homme se mourait de chagrin. Il survecut peu de
jours a la mort affreuse de sa belle-fille, la princesse de Lamballe.
Pres du parc, a l'extremite d'une avenue plantee, que bordent d'un cote
les dernieres maisons de la ville et qui longe de l'autre des vignes et
des pommiers, s'eleve une pyramide de granit, sorte de menhir
geometrique, d'un aspect a la fois heroique et funebre. C'est, en effet,
un tombeau glorieux. Sur ce monument sont gravees les armes de Vernon et
de Privas avec cette inscription:
AUX GARDES MOBILES DE L'ARDECHE
Vernon, 22-26 novembre 1870
L'invasion s'etendait. Evreux venait de tomber au pouvoir des Allemands.
Quatre compagnies du 2e bataillon de l'Ardeche et le 3e bataillon,
formant ensemble un effectif de quinze cent hommes, partirent de
Saint-Pierre-de-Louviers le 21 novembre, a onze heures du soir, avec
ordre de couvrir Vernon, qui devait etre attaque le lendemain. Le train
qui les portait marchait a petite vitesse, tous ses feux de signaux
eteints. Il s'arreta vers trois heures du matin, par une nuit noire et
pluvieuse, a une lieue en avant de la ville. Aussitot les troupes
descendirent et se porterent sur les hauteurs de la foret de Bizi, qui
couvrent Vernon du cote de Pacy, ou l'ennemi etait arrive en force
depuis la veille.
Le lieutenant-colonel Thomas se fit guider dans la foret par des
habitants. Il borda toutes les avenues de tirailleurs places dans les
fourres avec defense d'ouvrir le feu sans ordre. Son intention etait de
laisser les Prussiens franchir le bois, afin de les dominer ensuite et
de les cerner dans Vernon. Toutes les mesures etaient prises quand, au
point du jour, un grand roulement de voitures et des sonneries de
trompettes annoncerent l'arrivee des ennemis. Leur passage dura pres
d'une heure. Quand leur tete de colonne arriva dans la ville, elle fut
recue a coups de fusil par des gardes nationaux. Cet accueil leur donna
de l'inquietude; un detachement seul fit son entree, la plus grande
partie de leurs for
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