las et ils craignaient de ne jamais arriver dans
la maison ou leur mere faisait la soupe pour toute la famille. Le petit
Jean n'agitait plus son fouet. Catherine laissa glisser de sa main
fatiguee sa derniere fleur. Elle tirait son petit frere par le bras et
tous deux se taisaient.
Enfin, ils virent de loin le toit de leur maison qui fumait dans le ciel
assombri. Alors, ils s'arreterent, et tous deux, frappant des mains,
pousserent des cris de joie. Catherine embrassa son petit frere, puis,
ils se mirent ensemble a courir de toute la force de leurs pieds
fatigues. Quand ils entrerent dans le village, des femmes qui revenaient
des champs leur donnerent le bonsoir. Ils respirerent. La mere etait sur
le seuil, en bonnet blanc, l'ecumoire a la main.
"Allons, les petits, allons donc!" cria-t-elle. Et ils se jeterent dans
ses bras. En entrant dans la salle ou fumait la soupe aux choux,
Catherine frissonna de nouveau. Elle avait vu la nuit descendre sur la
terre. Jean, assis sur la bancelle, le menton a la hauteur de la table,
mangeait deja sa soupe.
LES FAUTES DES GRANDS
Les routes ressemblent a des rivieres. Cela tient a ce que les rivieres
sont des routes; ce sont des routes naturelles sur lesquelles on voyage
avec des bottes de sept lieues; quel autre nom conviendrait mieux a des
barques? Et les routes sont comme des rivieres que l'homme a faites pour
l'homme.
Les routes, les belles routes aussi unies que la surface d'une fleuve et
sur lesquelles la roue de la voiture et la semelle du soulier trouvent
un appui a la fois solide et doux, ce sont les chefs-d'oeuvre de nos
peres qui sont morts sans laisser leur nom et que nous ne connaissons
que par leurs bienfaits. Qu'elles soient benies, ces routes par
lesquelles les fruits de la terre nous viennent abondamment et qui
rapprochent les amis.
C'est pour aller voir un ami, l'ami Jean, que Roger, Marcel, Bernard,
Jacques et Etienne ont pris la route nationale qui deroule au soleil, le
long des pres et des champs, son joli ruban jaune, traverse les bourgs
et les hameaux et conduit, dit-on, jusqu'a la mer ou sont les navires.
Les cinq compagnons ne vont pas si loin. Mais il leur faut faire une
belle course d'un kilometre pour atteindre la maison de l'ami Jean.
Les voila partis. On les a laisses aller seuls, sur la foi de leurs
promesses; ils se sont engages a marcher sagement, a ne point ecarter du
droit chemin, a eviter les chevaux et les voitures et a ne point
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