te la France a l'epoque ou le pays etablissait
sa constitution au milieu des troubles. Toi, tu as ete enseigne dans un
college. Tu sais le latin et le droit. Ce sont des ornements de
l'esprit. Mais l'essentiel est d'etre honnete homme et de gagner de
l'argent. J'ai fait une bonne maison. A toi de la soutenir et de
l'agrandir. La porcelaine est une excellente marchandise, qui repond a
tous les besoins de la vie. Prends ma place, Onesime. Tu n'es pas encore
capable de la tenir seul. Mais je t'aiderai dans les premiers temps. Il
faut que les clients s'accoutument a ta figure. Des aujourd'hui, recois
les commandes qu'on apportera. Le registre des tarifs, qui est dans ce
casier, te sera d'un grand secours. Mes conseils et le temps feront le
reste. Tu n'es ni sot ni mechant. Je ne te reproche pas de porter des
gilets a la Marat et de faire le bousingot. C'est un travers de ton age.
J'ai ete jeune aussi. Assieds-toi la, mon garcon, devant cette table."
Et le bonhomme Dupont indiqua du bras a son fils un vieux bureau qui
n'etait pas a la mode et qu'il gardait par economie, n'etant point
fastueux. C'etait un bureau de marqueterie, garni de cuivres, qu'il
avait achete a l'encan, une trentaine d'annees auparavant, et qui avait
servi a M. de Choiseul durant son ministere.
Onesime Dupont obeit en silence et prit la place qui lui etait assignee.
Son pere alla se promener, confiant dans son fils, car il estimait que
bon sang ne saurait mentir, et satisfait d'avoir change un bousingot en
marchand de porcelaines. Onesime demeure seul, etudia les tarifs. Il
etait enclin a faire son devoir et a donner de l'attention a toutes les
affaires dont il s'occupait. Il se livrait a cette etude depuis une
demi-heure, quand survint M. Joseph Peignot, marchand de porcelaines a
Dijon. C'etait un homme jovial et le meilleur client de la maison
Dupont.
"Vous ici, monsieur Onesime! Quoi! vous n'etes point sur le boulevard a
faire le gandin, avec votre bel habit bleu a boutons d'or! Les jolies
filles des Bains chinois doivent etre bien tristes de votre absence.
Mais vous avez raison, il y a temps pour le plaisir et temps pour les
affaires serieuses ... Je venais voir votre pere.
--Je le remplace.
--J'en suis heureux. C'est un ami a moi. Voila dix ans que je fais des
affaires avec lui. J'espere en faire dix ans et plus avec vous. Vous lui
ressemblez. Mais vous ressemblez beaucoup plus a votre mere. Ce n'est
pas un mauvais compliment que je vous f
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