ttres pour les servantes et faisait des ecriteaux pour les marchands
ambulants. Habile a manier la scie et la varlope, il fabriqua des
vitrines pour la merciere en plein vent, Mme Petit, que son mari avait
abandonnee, et qui avait quatre enfants a nourrir. Avec du papier, de la
ficelle et de l'osier, il faisait pour les petits garcons des
cerfs-volants qu'il lancait lui-meme dans l'air agite de septembre.
Chaque annee, au retour de l'hiver, il montait les poeles dans les
mansardes avec autant d'adresse que le meilleur compagnon fumiste. Il
connaissait assez de medecine pour donner les premiers secours aux
blesses, aux epileptiques et aux noyes. S'il voyait un ivrogne chanceler
et choir, il le relevait et le reprimandait. Il se jetait a la tete des
chevaux emportes et se mettait a la poursuite des chiens enrages. Sa
providence s'etendait sur les riches et les heureux. Il mettait leur vin
en bouteille, sans recevoir de recompense. Et lorsqu'une dame du quai
Malaquais s'affligeait a cause de son perroquet ou de son serin envole,
il courait sur les toits, grimpait sur les cheminees et rattrapait
l'oiseau, au regard de la foule attentive. Le catalogue de ses travaux
ressemblerait au poeme gnomique d'Hesiode. M. Debas pratiquait tous les
arts pour l'amour des hommes.
Mais sa plus grande occupation etait de veiller sur la chose publique. A
cet egard, il vecut ainsi qu'un homme de Plutarque. D'ame genereuse,
passant ses journees en plein air, dejeunant et soupant sur un banc, il
s'etait fait des moeurs dignes d'un Athenien. La grandeur et la felicite
de sa patrie faisaient le souci de toutes ses heures. L'empereur, en
vingt ans de regne, ne put le contenter une fois. M. Debas declamait
contre le tyran avec une eloquence naturelle ornee de lambeaux de
rhetorique, car il avait des lettres et lisait parfois ses livres qu'il
ne vendait jamais. Bien qu'il eut le gout noble, il donnait souvent a
ses indignations un tour familier. N'etant separe que par la riviere du
palais sur lequel le drapeau tricolore annoncait la presence du
souverain, il se trouvait, par le voisinage, sur un pied d'intimite avec
celui qu'il appelait le locataire des Tuileries.
Badinguet passait quelquefois a pied devant l'etalage de M. Debas. M.
Octave Uzanne nous a garde le souvenir d'une promenade que Napoleon III,
au debut de son principat, fit, en compagnie d'un aide de camp, sur le
quai Voltaire. C'etait un jour gris et froid d'hiver. Le bouquiniste
do
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