on bouquet: "J'irai
au bois seulette", et elle chante aussi: "Mon coeur je lui donnerai, mon
coeur je lui donnerai."
Le petit Jean est d'un autre caractere. Il suit d'autres pensees. C'est
un franc luron; il ne porte point encore la culotte, mais son esprit a
devance son age, et il n'y a point d'esprit plus gaillard que celui-la.
Tandis qu'il s'attache d'une main au tablier de sa soeur, de peur de
tomber, il agite son fouet de l'autre main avec la vigueur d'un robuste
garcon. C'est a peine si le premier valet de son pere fait mieux claquer
le sien quand, en ramenant les chevaux de la riviere, il rencontre sa
fiancee. Le petit Jean ne s'endort pas dans une molle reverie. Il ne se
soucie pas des fleurs des champs. Il songe, pour ses jeux, a de rudes
travaux. Il reve charrois embourbes et percherons tirant du collier a sa
voix et sous ses coups. Il est plein de force et d'orgueil. C'est ainsi
qu'il va par les pres, a petits pas, butant aux cailloux et se retenant
au tablier de sa grande soeur.
Catherine et Jean sont montes au-dessus des prairies, le long du coteau,
jusqu'a un endroit eleve d'ou l'on decouvre tous les feux du village
epars dans la feuillee, et a l'horizon les clochers de six paroisses.
C'est la qu'on voit que la terre est grande. Catherine y comprend mieux
qu'ailleurs les histoires qu'on lui a apprises, la colombe de l'arche,
les Israelites de la Terre promise et Jesus allant de ville en ville.
"Asseyons-nous la", dit-elle.
Elle s'assied. En ouvrant les mains, elle repand sur elle sa moisson
fleurie. Elle en est toute parfumee, et deja les papillons voltigent
autour d'elle. Elle choisit, elle assemble les fleurs; elle marie les
tons pour le plaisir de ses yeux. Plus les couleurs sont vives, plus
elle les trouve agreables. Elle a des yeux tout neufs que le rouge vif
ne blesse point. C'est pour les regards uses des citadins que les
peintres des villes eteignent les tons avec prudence. Les yeux de
Catherine sont de bons petits yeux qui aiment les coquelicots. Les
coquelicots, voila ce que Catherine prefere. Mais leur pourpre fragile
s'est deja fanee et la brise legere effeuille dans les mains de l'enfant
leur corolle etincelante. Elle regarde, emerveillee, toutes ces tiges en
fleur, et elle voit toutes sortes de petits insectes courir sur les
feuilles et sur les fleurs. Ces plantes qu'elle a cueillies servaient
d'habitation a des mouches et a de petits scarabees qui, voyant leur
demeure en peril, s'inq
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