et songe. Sa fleur a la main, elle a l'air, sous l'ombrelle qui
rayonne autour d'elle, d'une petite idole etrange.
La nourrice a dit: "Maintenant, mademoiselle, donnez-moi cette fleur."
Mais Mlle Marie a serre dans son petit poing la tige fleurie et ses
joues ont rougi et son front s'est gonfle comme si elle allait pleurer.
Et la nourrice n'a pas voulu causer des larmes. Elle a dit: "Je vous
defends de porter cette fleur a votre bouche. Si vous desobeissez,
mademoiselle, votre petit chien Toto vous mangera les oreilles."
Ayant ainsi parle, elle s'eloigne. La jeune penitente, immobile sous son
dais eclatant, regarde autour d'elle, et voit le ciel et la terre. C'est
grand, le ciel et la terre, et cela peut amuser quelque temps une petite
fille. Mais sa fleur d'hortensia l'occupe plus que tout le reste. C'est
une belle fleur et c'est une fleur defendue. Voila deux raisons pour s'y
plaire. Mlle Marie songe: "Une fleur, cela doit sentir bon!" Et elle
approche de son nez la boule fleurie. Elle essaie de sentir, mais elle
ne sent rien. Elle n'est pas bien habile a respirer les parfums: il y a
peu de temps encore, elle soufflait sur les roses au lieu de les
respirer. Il ne faut pas se moquer d'elle pour cela: on ne peut tout
apprendre a la fois. On apprend d'abord a boire du lait. On n'apprend
que plus tard a respirer des fleurs: c'est moins utile. D'ailleurs,
aurait-elle, comme sa maman, l'odorat subtil, elle ne sentirait rien. La
fleur d'hortensia n'a pas d'odeur. C'est pourquoi elle lasse malgre sa
beaute. Mais Mlle Marie est ingenieuse. Elle se prend a songer: "Cette
fleur, elle est peut-etre en sucre." Alors elle ouvre la bouche toute
grande et va porter la fleur a ses levres ... Un cri retentit: Ouap!
C'est le petit chien Toto qui, s'elancant pardessus une bordure de
geraniums, vient se poser, les oreilles toutes droites, devant Mlle
Marie, et darde sur elle le regard de ses yeux vifs et ronds. La
nourrice, qui veille cachee derriere les arbres, l'a envoye. Et Mlle
Marie reste stupefaite.
A TRAVERS CHAMPS
Apres le dejeuner, Catherine s'en est alle dans les pres avec Jean, son
petit frere. Quand ils sont partis, le jour semblait jeune et frais
comme eux.
Le ciel n'etait pas tout a fait bleu; il etait plutot gris, mais d'un
gris plus doux que tous les bleus du monde. Justement les yeux de
Catherine sont de ce gris-la et semblent faits d'un peu de ciel matinal.
Catherine et Jean s'en vont tout seuls par les p
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